abacaxi | mainstream desire @ à découvrir absolument (fr)
Depuis quelques semaines, je m’adonne à un exercice, et cela, trois fois par jour, du nom de cohérence cardiaque. Celui-ci m’oblige à me concentrer sur ma respiration pendant six minutes, m’excluant le plus possible du monde qui m’entoure, ne devant suivre qu’un seul rythme, celui de ma respiration et par la même celui de mon cœur. Cet exercice qui permet de s’exclure du monde afin de mieux contrôler son corps est difficile à mettre en place, le monde prenant de plus en plus de place, se manifestant à nous par le biais de tout ce qui se nourrit de lithium ou par nos divagations de plus en plus courantes, mais qui ne nourrissent en rien un travail qu’il soit artistique ou théorique. Si Abacaxi, le trio composé de Julien Desprez, Jean Francois Riffaud et Max Andrzejewski n’a rien d’une méthode pour se maîtriser, il cache dans ses méandres nombreuses une ligne sur laquelle nous devions rester avec une concentration ultime. La construction du premier morceau du EP qui donne d’ailleurs son nom au EP, « Mainstream Desire » est faite de manière à ce que nous ne pouvions lutter, que la tentation est trop forte de divaguer, tant les propositions de nous echapper sont aguichantes, d’autant qu’elles piochent avec une gourmandise et une ironie certaine dans des pièces de la culture populaire, traitant celles ci comme Sonic Youth a pu le faire à la fin de « Experimental Jet Set, Trash and no Star » sur un morceau caché, sauf que si les New Yorkais semblaient enregistrer les travaux effectués dans leur studio, nos trois compatriotes, eux échafaudent une oeuvre pharaonique dans laquelle ils nous proposent plusieurs lignes d’horizon, ne nous interdisant rien, pas même d’aller voir ailleurs, eux mêmes s’éparpillent (sans se perdre), gardant un pied au contact avec la ligne.
Sur « Catfish », c’est comme l’autopsie d’un être retrouvé dans le permafrost. Le morceau est désossé tout autour d’une colonne vertébrale que l’on perçoit. Une fois la structure même de l’animal analysé, le trio va essayer de le mettre sur pied, lui proposant diverses possibilités de mouvement, celui-ci ne se repliant jamais, faisant du mouvement les couplets d’un refrain à la géométrie invariable. Ce second titre lui ne déroge pas à sa linéarité, mais ne pourra tenir le rythme et ira se mesurer dans un zoo par comme les autres avec les fantasmagories colorés d’Animal Collective, animant un dialogue épatant et passionnant sur l’hallucination psycho-sensorielle.
Ces trente minutes de musique sont à la fois une expérience auditive, un choc esthétique sonore, la manifestation d’une forme de maîtrise du hasard et avant tout une œuvre addictive, car demandant à son auditeur ce qui lui manque de plus en plus, de la concentration. Un fruit sucré, aux tranches piquantes. Magistral.