rifo | betel @ à découvrir absolument (fr)
Cela commence comme si le bruit des pâles d’un hélicoptère illustrait un long plan séquence (Leaf) d’un de ces moyens de déplacement qui casserait une ligne d’horizon parfaite, faisant onduler sous l’effet de la chaleur l’image, donnant à nos yeux l’illusion que le sens se perd. Mais ce n’est pas la vue qui est chahutée par Jean-François Riffaud aka RIFO, c’est l’ouïe. Alors que ce sont les yeux qui imaginent normalement le contact d’une sculpture inviolable avec nos mains, que ce sont eux qui tentent de percer le secret des différentes couches de peinture d’un tableau, avec « Betel » les oreilles sont connectées à cette partie de notre cerveau qui imagine les structures dans une représentation en multi dimension. Car si le disque a trouvé sa genèse lors d’une rencontre d’un rite traditionnel des bouddhistes Birmans, il est surtout une traduction sonore d’un façonnage progressive. Face à une masse, RIFO ne donne pas de coup, ne martèle pas pour enlever des éclats et faire naître une œuvre. RIFO travaille l’espace et tourne autour, l’habillant avec une routine qui se trouverait contrariée progressivement, donnant à l’ensemble une dimension tout autant esthétique que cognitive, son propre équilibre étant en danger face à la sorte d’ivresse dans laquelle cette boucle douce nous plonge. Dans ses mains, la guitare électrique est à la fois l’ébauchoir et la tournette, faisant vibrer l’air avec la volonté la façonner. Il en fera de même avec du field recording, jouant avec un son (en l’occurrence des grognements carnassiers de chiens sur « teeth ») l’amenant d’un côté dense et monolithe en quelque chose d’évanescent, le son comme s’évaporant. Le disque de trente minutes se clôt sur « Smile », une résurgence du passé, comme une bande son apocryphe d’un film des années 30, clôture énigmatique presque divinatoire d’un disque qui en jouant avec nos sens nous élève au-dessus des lignes d’horizon et des croyances.