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balladur | pourquoi certains arbres sont si grands ? @ libération

On se souvenait de Balladur avant tout comme d'une expérience scénique rebondissante, deux hommes de part et d'autre d'une table pleine à craquer de machines domptées pour faire danser, parfois dub, parfois Devo, rivalisant d'inventivité pour créer des boucles et les abîmer aussitôt alors qu'ils auraient pu rester barboter dans le post-punk efficace de leurs débuts. Dix ans déjà pour ce duo qui ouvre grand les bras à l'indolence. Sur des instrus capable de sublimer la plus infâme des trompettes en midi, on déjeune en italien, on reste couché pour se «saouler de printemps», on pense au temps gâché, on s'abandonne à la mélancolie en retrouvant l'affiche d'un concert raté. Et pourtant, on avance.

MARIE KLOCK

BALLADUR POURQUOI CERTAINS ARBRES SONT SI GRANDS? (Another Records/Le Turc mécanique/ Carton Records).

balladur | pourquoi certains arbres sont si grands ? @ à-découvrir-absolument

Je me sens un peu triste : c’est à cause de Balladur. J’aurais jamais pensé écrire ça un jour. Rien que pour ça, merci à Pourquoi les arbres sont si grands ? Balladur (le groupe) nous rappelle que oui, certaines époques sont maudites. Certains moments du cinéma italien sont grands, chiches, certains paysages sont beaux mais pauvres, pauvres, tristes à se jeter dans le ravin. C’est notre lot à toutes et à tous aujourd’hui : ruptures sentimentales, inflation, pauvreté, temps de chien, dépression, isolement… « Tu sais, tout part à vau-l’eau, alors autant prendre le large » propose d’ailleurs le chant à l’auditeur.

D’où vient ce nom de groupe ? D’où vient ce groupe ? D’où provient l’inspiration des mélodies de ce groupe ?

Autant de questions qui ne trouveront ici aucune réponse. En revanche, dès l’introduction instrumentale de Pourquoi certains arbres sont si grands ? on perçoit un soupçon de variété (du Michel Berger) chez Balladur. Et par la suite, une certaine mélancolie s’installe.

Des rythmes plaqués au synthé, des chants/choeurs masculin/féminin, des percu étonnantes, des sons intrigants. La réussite de Balladur, ce sera peut-être de nous faire flipper alors qu’on était juste partis se balader au soleil, peinard(e). Grand soleil, glaces au frais, claquettes flashy et boule d’angoisse.

À chaque fois, sur chaque morceau - justement parce que les ambiances sont variées - on sent l’attrait pour l’expérimentation et le goût de l’expérience musicale. Ces balades avec Balladur, elles ne sont pas comme les autres. « J’ai revu cette affiche de toi, de ton dernier concert (…) personne à qui parler, et c’est toujours comme ça. » Le clavier dément la nostalgie qui se dégage de ces textes, car il est fun : le clavier vient des îles, il donne envie de rigoler.

« Souffler un instant, tout ça n’existe plus pour nous car t’es déjà parti(e) ».

Gwendoline fait le même effet, Elli et Jacno aussi. C’est pas drôle, pas drôle du tout la vie. Balladur a sans doute raison de nous le rappeler, sifflet de garde-champêtre et boucles à la clé. « Y a vraiment tout à jeter ». Ouh la la mais qu’est-ce-qui nous arrive ? Le monde ne va vraiment pas bien, c’est un peu vache.

balladur | pourquoi certains arbres sont si grands ? @ musique journal

Amédée de Murcia et Romain de Ferron sont deux musiciens talentueux, inspirés, et très occupés. Parmi leurs multiples alias et collaborations (chez Omertá par exemple, encore, ou récemment avec Zone Bleue dont Loïc vous a parlé avant l’été), j’ai toujours eu un gros faible pour Balladur, débuté comme une espèce de pastiche cold wave et devenu au fil des albums un invraisemblable attelage pop qui se surpasse à chaque sortie. La règle se vérifie encore une fois avec ce nouvel album, et pour aller vite, “Ça m’a tellement manqué” et “Ma Dai” sont les deux immenses chansons qui manquaient à votre début d’automne. [HL]

balladur | pourquoi certains arbres sont si grands ? @ muzzart

Duo de Villeurbanne, Balladur n’emprunte aucune direction dominante. Si j’ai, mea culpa, oublié ses précédents efforts, je me souviens que ce fut bon. Sans, je le regrette, me souvenir du contenu. L’impression fut toutefois favorable, elle le reste sur ce déstabilisant Pourquoi certains arbres sont si grands ? qui de suite, déroute en recourant à l’Italien (Pranzo con noi, obsédant de par ses notes uniques répétées et bien enrobées). Là où on ne l’attend pas, Balladur trouve son rang. Si ce titre « ritalisant » se veut vaguement new-wave, on le qualifiera surtout de Balladurien. Au sens non-politique du terme, bien entendu. Il succède à une intro selon moi dispensable et, indiscutablement, donne du cachet à l’opus. Ces Affiches de toi, pas plus nommable stylistiquement, tout aussi notable néanmoins, joue une trame ludique, soniquement déviante, que le chant éclaire tardivement. Verdict? Ca passe crème frère! Ça m’a tellement manqué, électro enfin peut-être, exotique, groove et fera remuer les croupes. Balladur, et ça lui fait honneur, innove et se place en marge. Il y est bien. Interlude est bref, psyché, puis Ma Dai insinue un peu le même trip que Ca m’a tellement manqué.

C’est surtout Balladur, en l’occurrence, qu’il importe de ne pas manquer. Son Les oiseaux, joueur, agité, finaud aussi, tranchant et réitératif et même que c’est une bonne idée, l’avantage à son tour. C’est la saison de l’amour, d’après Balladur, se décline dans le vent, pop tordue, géniale, addictive sans en avoir l’air. La paire crée, à gogo. Légère ou plus tapageuse, elle n’a de cesse de fuir le tout tracé. Ses envolées synthétiques, simples et décisives, parfois incisives, dans quelques recoins rêveuses, font largement le taf. Et plus que ça. Lunaire, à part et imaginatif, Balladur mérite nos hourras. C’est sur Final, soporifique mais simultanément accrocheur -parce que soporifique, et ouais gros si si la famille c’est possible!-, que son histoire -de vie- se termine. Elle le voit s’illustrer, se perdre (volontairement) en chemin sans perdre le bénéfice, en revanche, de notre franche approbation. Balladur sortant grandi, à l’arrivée, d’un effort aussi grand que les arbres dont il questionne la taille dans son intitulé.

balladur | pourquoi certains arbres sont si grands ? @ goûte mes disques (fr)

En 2019, le groupe français Balladur déjouait tous vos pronostics et s’installait en première place de notre top albums, au nez et à la barbe de Tyler The Creator ou Billie Eilish. En sortant de sa « cold-wave de comfort » pour livrer un grand disque pop, le duo de Villeurbanne se réinventait en même temps qu’ils nous époustouflait. Alors forcément, l’annonce du nouvel album, intitulé Pourquoi certains arbres sont si grands?, a forcément constitué un highlight de nos vacances. Le premier extrait s’intitule « ça m’a tellement manqué » et son titre nous confirme qu’il n’y a pas de hasard en ce bas monde.

balladur | pourquoi certains arbres sont si grands ? @ section 26 (fr)

Étiqueté à leurs débuts cold wave – à tort et à travers ceci dit, car les lyonnais Romain et Amédée, qui depuis plus de 10 ans composent et tournent en duo sous le nom de Balladur, sont curieux et se nourrissent au gré du temps de différents registres allant des musiques expérimentales à celles d’Indonésie. On vous avait parlé de La Vallée Etroite en 2019, ils reviennent aujourd’hui avec un 4ème album nommé Pourquoi Certains Arbres Sont Si Grands à paraître fin septembre chez le trio Carton Records, Le Turc Mécanique (Tôle Froide, Delacave, Marble Arch) et Another Record (Satellite Jockey, Boost 3000, Odessey & Oracle). Ca M’a Tellement Manqué, premier titre en écoute, tombe à point nommé en cette période caniculaire. Les deux compères sortent de derrière leurs machines un premier bijou pop, empreint de sonorités cosmiques, tropicales et percutantes, tout en gardant une certaine froideur en trame de fond. L’alchimie entre les claviers et la voix de Romain qui raconte leurs souvenirs, emporte tout avec grâce et mélancolie.

balladur | la vallée étroite @ mowno (fr)

Depuis ses débuts, Balladur prend plaisir à dérouter, à perdre puis à retrouver ses auditeurs qui ont vite compris que le confort et la répétition ne faisaient pas partie de son ADN. Depuis Villeurbanne, Amédée de Murcia et Romain de Ferron servent un registre très libre et très beau, entre guitares et machines, avec le souci de rester dans un état de mue perpétuelle. Délaissant ses anciennes peaux au bord des routes, des salles de concert et des squats, le duo améliore autant qu’il dérègle une formule jouée au centre du public, à même le sol, pour un face à face ne visant que le partage et la communion à mesure que l’audience s’enivre des dizaines de références disséminées au long des morceaux.

Sur ce troisième album, Balladur développe quantité d’images et de récits joignant le lointain et l’immédiat. Dans une transe qui lie les pôles et les distances, le duo donne à son post punk d’origine les accents d’une danse traditionnelle javanaise (Kuda Lumping) avant de reprendre le morceau d’un chanteur indonésien (Angka Satu) qu’il double d’étrangetés et de voix robotiques pour en proposer une version déroutante et enthousiaste.

Si l’oeuvre des lyonnais se définit par le prolongement d’une communion que l’on retrouve aussi bien sur disque que sur scène, leur musique sait aussi se faire plus réflexive et évoquer la galère de l’exil. C’est dans ses moments les plus graves que se dégage véritablement le ton de l’album, son désir d’habiller et d’épauler tous les voyageurs – forcés ou volontaires – creusant la route chaque jour. Véritable disque de voyage, La Vallée Étroite emprunte notamment son nom à cet espace montagneux franco-italien que de nombreux migrants traversent chaque année dans l’espoir de tout recommencer ailleurs. Traversé de motifs entêtants, de bribes d’italien et de français, ce morceau en forme de lente ascension et de doux dérèglement est un des sommets de l’album. Avant lui, Les Poches Vides chante avec plus de solennité, et dans toutes les langues, la galère universelle qui angoisse et lie chacun, au trajet et au sens qu’on lui donne.

Au fil d’allers/retours incertains, La Vallée Etroite cartographie les espaces parcourus par Balladur, et rend hommage de la plus belle des manières à tous ceux qui l’ont fait jouer. Inspiré des folklores, des langues et des frontières, ce troisième album est une réussite complète qui montre une fois de plus l’ambition et le talent intact d’un duo sans barrières.

balladur | la vallée étroite @ gonzaï (fr)

Balladur, c’est évidemment l’homme des mauvais choix (la trahison chiracienne de 1995, le port du goitre, le refus de la coldwave pour ses meeting, etc), mais c’est aussi un duo de Villeurbanne signé chez Le Turc Mécanique. Avec leur troisième album “La vallée étroite”, ils prouvent que l’avenir du rock, si tant est qu’il en ait un, est dans l’ouverture à l’étranger. Tout l’inverse d’un concept RPR, en somme.

“Croire en la France”. C’est peut-être là que ça a commencé à déconner pour Edouard. Nous sommes alors en 1995, et l’ami de 30 ans de Jacques Chirac décide de partir solo pour la Présidentielle où, comme on le sait, il se tôlera sévère, tel un Dj ayant oublié ses disques chez lui. L’affiche qui devait le faire gagner porte ce slogan, et la phrase est avec le recul tellement stupide qu’elle permet de faire le lien avec le groupe du même nom qui, pour le coup, ne croit qu’en lui.

C’est ce qui marque en premier à l’écoute de “Vallée étroite”, un disque libertaire où Balladur s’affranchit de tous les codes où on les croyait coincé. Si les instruments restent peu ou prou les mêmes que sur les deux albums précédents, il est ici question d’un gros virage à la Ayrton Senna, direction une espèce de zouk mutante impossible à dater sur la frise chronologique du WOK AND WOLL. D’ailleurs, ce n’est plus ça du tout, mettez votre vocabulaire à jour : Balladur, contrairement à tous ces jeunes-vieux groupes faisant les malins avec des guitares exotiques travestissant les riffs de la Compagnie Créole en micro-tubes pour puceaux, n’est pas devenu une pale copie des Foals ou de tous ces artistes French pop tirant leurs poignets vers le bas du manche et les notes aigües. La coldwave, la synthpop froide, la metallo-chanson pour sidérurgiste, merci bien. “Vallée étroite”, ce n’est plus du rock – au sens large – et c’est d’ailleurs ce qui fait tout le charme de cet album hybride à cheval entre plusieurs genres, plusieurs sommets pour paraphraser la pochette hommage à la vallée dangereuse par laquelle passent les migrants venus d’Italie, dans l’espoir de jours meilleurs en France.

Le “croire à la France” précité, du coup, prend tout son sens. Ayant bien compris que rien de bon n’était à attendre de qui que ce soit de ce côté de la frontière, Balladur, étrange dans son propre pays, livre un condense de zouk mutante mixée à de l’exotica allemande qui rappellera aux plus vieux les excursions de CAN, aux autres les génériques d’attente téléphonique quand on avait encore un téléphone fixe, comme sur le magistral titre de clôture Dans la 205.

Arrivé au bout de ce chemin, on aimerait que “La vallée étroite” soit passé en boucle dans les écoles primaires, ne serait-ce que pour enseigner aux nouvelles génération qu’il existe un sentier escarpé permettant d’éviter le choix binaire entre rap autotuné pour blancs bourgeois et pop insipide mâchouillée par des chanteurs qui auraient mieux fait de devenir guichetiers dans une salle de spectacle pourrie perdue dans une ZEP de la France profonde. On souhaite évidemment tout l’inverse à ces deux zouaves encore trop jeunes pour devenir chiants; croyez en ce Balladur, au moins lui ne vous trahira pas.

balladur | la vallée étroite @ goutemesdisques (fr)

robablement parce que l’on connaît plutôt pas mal ses chevilles ouvrières (Charles Crost aka Le Pasteur Charles et Thomas Durebise), on s’est formé une image certainement déformée et réductrice du label parisien Le Turc Mécanique (LTM), influencés par ce que ces gentils nounours de l'underground hexagonal véhiculent comme énergies. Probablement aussi parce que nos groupes préférés sur LTM sont de fervents adeptes de la politique de la terre brûlée, on produit des généralités à partir de cas spécifiques et pas forcément représentatifs d’une maison qui fonctionne bien plus aux coups de cœur qu’aux étiquettes.

En même temps, à la décharge de Balladur, le duo respectait à ses débuts le cahier des charges qu'on avait imaginé pour le label, plaçant ses premiers travaux dans un carcan cold wave, dont on allait par contre vite comprendre qu’il n’allait pas résister bien longtemps à ses envies d’ailleurs. Dans cette optique, leur album Super Bravo sorti en 2016 était le symbole de cette soif de mutation, de ce besoin irrépressible de s’ouvrir à d’autres genres dont il fallait extraire la substantifique moelle pour la réinjecter dans un moule aux formes certes imparfaites, mais tellement aguicheuses.

La Vallée Étroite, troisième album du groupe sur LTM, s’inscrit dans le droit fil de son prédécesseur, mais pousse cette logique jusque dans ses derniers retranchements, proposant une œuvre dont la radicalité formelle n’a d’égal que la simplicité que l’on qualifierait de 'pop' si la musique de Balladur ne se nourrissait pas de tellement d’autres choses, du post-punk aux musiques bruitistes en passant par l’electro-pop ou même le reaggaeton. Aussi insaisissable qu’irrésistible, La Vallée Étroite n’est rien de moins que l’un des meilleurs disques de rock francophone de l’année 2019. On dit francophone, car on lui trouve quelques similitudes avec Massif Occidental, l’impeccable second album des Suisses d’Hyperculte sur Bongo Joe Records.

Enregistré et mixé dans le studio lyonnais du groupe, ce nouvel opus est l’occasion pour les deux membres de Balladur d’ouvrir les vannes comme ils ne l’avaient jamais fait auparavant, de continuer à avancer sans penser aux travers désagréables de la pollinisation croisée ou de l’appropriation de certains genres avec lesquels il n’est pas toujours simple d’expérimenter - on pense à certaines « musiques du monde » qui s’épanouissent ici comme jaja parce qu'on les traite sans ce mélange d’opportunisme et de peur de mal faire.

Cette vallée étroite qui donne son titre à l’album, c’est une référence à cette traversée dangereuse du col de l'Échelle entre l'Italie et la France, une route périlleuse où les espoirs de dizaines de milliers de migrants à la recherche d’un avenir meilleur en France se perdent chaque année - l’un des morceaux porte d’ailleurs le nom d’une ville, Bardonecchia, qui cristallise à elle seule tous les dysfonctionnements d’une politique européenne qui semble avoir paumé son humanité quelque part au fond de la mer Méditerranée. Mais ce titre est aussi un bon résumé de la philosophie d’un duo qui utilise une musique forte en émotions pour raconter des choses qu’on n’entend plus au JT de TF1 ou de France 2, pour nous confronter à notre condition d’occidental privilégié qui oublie trop souvent (ou fait semblant de ne pas voir) ce qui se passe autour de lui. Balladur bande dur et on ne va certainement pas se priver de reluquer.

balladur | la vallée étroite @ section 26 (fr)

Depuis une demi-douzaine d’années, Balladur enchante les salles de concerts et autres squats avec un live unique en son genre, placé au milieu du public, avec un set-up plutôt léger constitué de machines, guitare et micros. En un sens, Balladur est une expérience qui dépasse le cadre classique du concert où le spectateur est passif. L’ensemble évoque ainsi tout autant, si ce n’est plus, les fêtes traditionnelles comme les musiques de processions dans les villages thaïlandais (Phin Prayuk). La musique du duo de Villeurbanne traduit, à bien des égards, la recherche de communion et de partage au cœur de la démarche du groupe. Si l’ensemble est dédié à la danse, il garde une éminente dimension politique. Et ce, jusqu’au titre de ce nouvel album, La Vallée Étroite, une référence directe aux migrants tentant de traverser la frontière italienne à travers les montagnes. En trois longs-jeux, la formation a affiné un son unique, syncrétisme d’influences aussi diverses que le dub, les musiques du monde entier (sous leur forme folklorique ou populaire), la dance music avec une éthique punk et DIY, si tant est que le terme signifie encore quelque chose. En un sens, difficile d’imaginer la formation française ailleurs que chez Le Turc Mécanique (Bracco, Tôle Froide, Jardin). Groupe et label partagent en effet un goût pour les chemins de traverse, ceux qui font chier les puristes et ravissent les curieux. La Vallée Étroite est peut être le meilleur album du duo à ce jour. Il convoque l’auditeur à une célébration œcuménique où chacun peut participer et laisser libre cours à son imagination. Dès l’entame, l’hypnotique Kuda Lumping (une cérémonie indonésienne traditionnelle), Romain De Ferron annonce : « C’est la fête, tout le monde s’agite » dans un maelström de guitares post-punk signé par l’autre larron, Amédée De Murcia. L’ensemble semble avoir un pied quelque part en Asie, du coté de l’Indonésie, et l’autre à Cologne dans la salle de répétition de Neu!, un orteil se baladant sur le dancefloor. La reprise du classique Angka Satu du musicien de Dangdut, Caca Handika, offre l’occasion à Balladur d’explorer une facette plus pop de leur musique. Le duo s’approprie la chanson originale tout en respectant son essence profonde, en créant un petit tube déviant. Le groupe rend en parallèle hommage à Joy Division à travers Les Poches Vides, un long crescendo extatique, tunnel de lumière déchirant la brume. Le groove chaloupé d’Islero évoque une improbable rencontre entre le reggae digital jamaïcain et le punk növö de Marie et les Garçons dans cette diction si particulière. La Vallée Interdite, chanson titre, lui fait suite et constitue l’un des temps forts de l’album. Le texte poignant est sublimé par une composition délicate constituée de synthétiseurs et de strates de samples de voix entrelacés. Balladur pense heureusement à nous. L’atterrissage se fait en douceur avec Sonde Lambda puis Dans La 205, une odyssée shoegaze cotonneuse dont la mélodie rappelle étrangement celle du Téléshopping. En un peu plus d’une demie-heure, Balladur signe l’un des albums les plus attachants et originaux de l’année. Libre dans sa forme, dans son propos, ouvert sur le monde, La Vallée Étroite est une célébration politique et culturelle de la fraternité.

balladur | super bravo @ vice (fr)

Voyons les choses en face : vous auriez mieux fait de voter Balladur

Pas de premier tour pour « Super Bravo », l'excellent deuxième album du duo de Villeurbanne : on vous le propose sans plus attendre en écoute intégrale.

Parti le premier, il y a trois ans, dans la bataille de la primaire underground sur format cassette, Balladur a fait le pari de mobiliser les fous de Suicide avec son credo libéral en matière de synth-punk et la frange plus conservatrice du parti, en se basant sur des concepts-chanson propres à séduire les conservateurs (ie : fans des Smiths). Un pari audacieux qui lui a permis de s'imposer comme le candidat hybride que la France attendait, d'abord avec un premier EP ravageur en 2013, puis l'an dernier avec son premier album charbonno-baléarique Plage Noire, Plage Blanche, paru chez Le Turc Mécanique. Le duo de Villeurbanne enfonce aujourd'hui le clou de manière ferme et définitive avec le stupéfiant Super Bravo, nouveau LP qui donne enfin à entendre le vrai Balladur, autoritaire, décomplexé et parfaitement schizophrène, jonglant sans jamais se poser de questions entre cold wave, tropicalia, post-punk, merengue, anglais, indonésien et italien. Ça sort demain sur Le Turc Mécanique mais on a décidé de plier l'affaire dès le premier tour en vous le proposant en écoute intégrale juste en-dessous, pour la première fois dans l'Histoire des crédo libéraux et des disques charbonno-baléariques.

balladur | super bravo @ brain magazine (fr)

Balladur va sauver la France

Nous sommes le 1er décembre 2016, François Fillon est le candidat de la droite aux prochaines présidentielles, bonjour. Est-ce une raison suffisante pour se laisser sombrer dans la morosité ? Non. Car Balladur est là. Balladur sourit. Balladur sautille. Balladur chante. Balladur porte tous nos espoirs entre ses mains. Le duo de Villeurbanne sortait hier son nouvel album, Super Bravo, chez Le Turc Mécanique, pour notre plus grand bonheur. La release party avait lieu dans la foulée au Petit Bain dans le cadre du Labo Pop, qui, tous les deux mois, aligne avec amour ce qui se fait de mieux parmi la relève de notre nation, et ce bien au-delà des frontières de ce que pourrait laisser imaginer le mot "pop". Alors pourquoi Balladur va sauver la France ? Précisément pour les raisons égrenées ci-dessus : tout en composant une musique faite d'une myriade de couches où le melodica fricote avec une rythmique zouk, des interjections de batterie électronique à coucher dehors et des riffs de guitare comme le rock indé n'en fait plus depuis belle lurette, Balladur parvient à ne pas tomber dans la maîtrise des machines pour la maîtrise des machines et ne cesse de pondre depuis maintenant trois ans des chansons bizarres et belles et simples. Et digérer tellement d'éléments hétéroclites pour en faire un truc simple et beau, c'est pas donné à tout le monde. Ajoutons à ça que chaque live du groupe s'apparente à une véritable orgie sonore et physique - ils sont installés sur une grande table au milieu du public, ils se marrent, ils sautent, ils s'amusent avec les accidents, et ces cons arrivent même à être bons dans le registre de la ballade moite qui exhorte tous les couples présents à se languer tendrement. Balladur, c'est le futur.

balladur | super bravo @ muzzart (fr)

Duo issu de Villeurbanne, Balladur joue une électro-pop tantôt cold, souvent relevée par des sonorités folles et à caractère exotique. Romain de Ferron et Amédée de Murcia (Somaticae) déconstruisent, ceci leur permet de mieux reconstruire. Ils bâtissent une trame dub sombre (Jalan), envoient une cold-wave prenante (Tu mens), font ça et là des clins d’oeuil à l’ère des late 70’s/early 80’s.

En outre, ils démontrent une belle inspiration dans les alliances des genres. Super bravo est leur deuxième album et déjà, leur empreinte est perceptible. L’écorce est minimale, sa froideur est contrebalancée par des élans dépaysants plus euphorisants (Verse-moi). Le procédé fonctionne et contribue à l’identité du projet. La légèreté psyché, incarnée par une voix féminine, a sa place dans leur registre (Olympique Layat). Elle s’accompagne d’encarts plus acidulés, plus loufoques à l’image de la musique hybride conçue par Balladur. Chacun des 7 titres joués pour l’occasion est de valeur, génère une accroche appelée à durer. Les volutes de claviers d’Aku, Occiali da sole et son électro zébrée de rythmes venus d’ailleurs, « brésilianisants »; les Rhodaniens ont de sérieux atouts à faire valoir.

Michela, sorte de cold-pop des plus abouties aux boucles addictives et voix intriguante, vient alors mettre fin aux réjouissances, chantées par ailleurs dans plusieurs langues; Balladur n’est jamais dans le dur et fera même office, via de telles sorties, de valeur sûre.

balladur | super bravo @ le drone (fr)

On a parlé IDM, Adriano Celentano, pop indonésienne et cuisine de grand-mère avec les deux membres de Balladur

Rencontre avec le duo pop syncrétique au Petit Bain en marge de la release party de leur dernier album Super Bravo.

C’est l’une des claques de cette fin d’année : la sortie de Super Bravo voit passer Balladur d’un truc mal identifié, en équilibre instable entre cold wave, shoegaze et electronica, à un cocktail parfaitement dosé de pop de la zone mondiale, assez personnel et explosif pour qu’on ne cherche plus à lui coller la moindre étiquette. Avec pour cheval de Troie l’hyper-addictive "Michela" et son clip signé Hugo Saugier, dessinant un axe Cambodge-Villeurbanne aussi déroutant que fidèle à l’esprit syncrétique du duo. On a rencontré Romain de Ferron et Amédée de Murcia en marge de leur passage au Petit Bain, pour parler de leurs (faux) paradoxes et de leurs (vraies) passions, de l’IDM à Adriano Celentano en passant par la cuisine de grand-mère.

En faisant le tour de vos nombreux projets solo et communs (Insiden, Somaticae, Roger West, Omerta, Vinci, Sacré Numéro), j’ai l’impression que vous venez plutôt des musiques expérimentales et improvisées, ce qui peut paraître éloigné de l’identité pop de Balladur.

Amédée de Murcia : Pour ma part, j’ai toujours écouté de la pop en même temps que j’écoutais de la musique expérimentale. J’ai juste commencé dans l’expé en tant que musicien.

Romain de Ferron : Pareil pour moi. Du coup ça nous paraît logique de faire les deux.

Ça suppose quand même une toute autre approche de la création.

RdF : C’est sûr. Même si aujourd’hui, la plupart des gens que nous côtoyons ne sont pas enfermés dans l’un ou l’autre. Je ne connais personne qui soit capable d’écouter uniquement de la noise en boucle. (Rires.) Après, avec Balladur, on essaye de tordre la pop pour que ça ressemble un peu aux autres choses qu’on aime. Souvent, quand je réécoute nos disques ou nos concerts, je suis surpris par ce côté vachement pop. Ça l’est moins dans mon esprit.

Vous avez une culture post-punk aussi ?

RdF : On n’en a pas trop écouté. Par contre, beaucoup de new wave et de musiques des années 60, quand ils expérimentaient à fond en studio, comme Joe Meek. On adore aussi Broadcast, qui fait ce pont entre pop et expérimentation.

Vous avez suivi une formation musicale "sérieuse" ?

RdF : J’ai passé un master de recherche en musicologie, à Grenoble puis à Lyon, sur Charlemagne Palestine. Ça m’a occupé pendant un bout de temps. En musicologie, tu apprends les cadres, et la musique expé était justement un moyen d’en sortir. A Grenoble, on a passé pas mal de temps au 102, où on a découvert la scène des musiques improvisées, Jérôme Noetinger et consorts. Amédée (qui s’est absenté quelques minutes, ndr.), lui, est un autodidacte. Il était à fond sur l’IDM à la grande époque d’Autechre et Aphex Twin. Il s’est formé tout seul dans sa chambre avec son PC.

Sachant que vous collaboriez déjà ensemble, notamment au sein d’Insiden, comment est née l’idée de monter Balladur et comment vous êtes-vous réparti les rôles ?

RdF : On a commencé par écrire une chanson pour le fun, qui est devenue "Pretty Face". Ça nous a bien plu et on a continué. Rien n’était vraiment prémédité.

AdM : Dans Balladur, même si c’est assez mélangé, Romain s’occupe plus des mélodies, et moi plutôt du son.

Le premier album (Plage Noire, Plage Blanche, 2015) était très délié, le second me semble avoir une identité mieux définie. En quoi le fait de tourner et de solidifier le groupe a joué sur votre manière de composer?

AdM : Il nous a fallu un certain temps pour être à l’aise avec la manière dont on voulait enregistrer et faire du live. Le premier album a été créé sur l’ordi, avec plein d’effets, sans penser à la manière de le retranscrire. A l’inverse, tous les morceaux de Super Bravo ont été imaginés pour être joués en live. Un peu à la manière d’un groupe de rock, en se forçant à limiter notre outillage.

L’un des moyens que vous utilisez pour subvertir la pop, c’est d’utiliser plusieurs langues : le français, l’italien, l’allemand, même l’indonésien.

RdF : Déjà, chanter en anglais me semble toujours bizarre, parce que j’ai un accent de merde. Mais chanter en français est bizarre aussi. Alors pourquoi pas d’autres langues ? L’indonésien, c’est parce que je suis parti en voyage là-bas pendant deux mois et que j’ai un peu appris la langue. Ils ont plein de chansons rigolotes, hyper mélo, bourrées de vibrato, dont je me suis inspiré pour écrire Aku. Quant à l’italien, c’est parce que j’ai écouté pas mal de pop 60’s italienne, comme Adriano Celentano, l’équivalent de notre Johnny national.

AdM : Pour le français, on a aussi été influencé par des découvertes récentes, comme Ventre de Biche ou Noir Boy George, qui l’utilisent un peu comme une langue étrangère, avec des phrases très directes, peu de fioritures. Sur Super Bravo, c’est la première fois qu’on écrit nous-mêmes nos textes. Avant, c’était une pote (Camille Perton, ndr.) qui s’en chargeait. Ses paroles étaient plus travaillées et fournies, et du coup moins faciles à chanter.

Votre ouverture ne se limite pas aux langues. Il y a aussi des clins d’œil à la musique africaine ou au dub sur le disque.

AdM : C’est une démarche sincère, qui reflète ce qu’on aime en ce moment. Je fais souvent le parallèle avec la bouffe : c’est chiant de ne faire que de la cuisine méditerranéenne, il faut ajouter des épices, essayer des mélanges. Ce que j’aime beaucoup dans la pop, ce sont les feedbacks permanents. Par exemple, on a écouté plein de groupes indonésiens qui essayent de faire de la pop occidentale, mais au final sonnent différemment - ça sent le clou de girofle, quoi. En tant qu’occidental, je trouvais ça marrant d’imiter ces groupes, qui eux-mêmes en imitent d’autres. L’histoire de la musique est pleine de va-et-vient culturels.

On peut tout à fait apprécier votre musique au premier degré, mais en même temps vous semez des indices qui peuvent faire douter : le fait de s’appeler Balladur, de sortir un disque nommé Super Bravo, etc.

AdM : Pour moi, c’est un truc un peu bédé, cartoon. J’ai été très fan de Telex et j’aime bien retrouver cet aspect, pas dans les sons, mais dans l’intention.

RdF : C’est pareil quand j’écoute Adriano Celentano : d’un côté, c’est un peu abusé, mais en même temps, c’est tellement beau !

AdM : Ou quand ta grand-mère cuisine en mettant des tonnes de sucre et de beurre.