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société étrange | au revoir @ le bombardier

“Au Revoir Président”. Mis en lumière par le label S.K Records à l’occasion de la sortie de son premier EP Au Revoir en 2015, Société Étrange ne cesse depuis de conquérir les foules avec des sets improvisés mêlant kraut, dub et électronique. Exit les refrains entêtants et les petites mélodies, les Lyonnais dégainent leurs instruments pour atteindre un niveau d’intensité rare, une sorte de transe jubilatoire au service du corps et du cerveau. Alors, quand on demande au trio de nous envoyer une mixtape, c’est sans surprise qu’on se sent quelque peu déboussollés. Pas seulement parce qu’il manque la tracklist, mais aussi parce qu’Alan Vega, Christophe et Gérard Manset côtoient des projets qui pourraient faire convulser plus d’un digger averti. Le résultat se nomme “Bonne humeur pour toute la journée” et s’écoute ci-dessous :

société étrange | au revoir @ gonzaï

Le 13 novembre 2015, Salah Abdeslam et une poignée de terroristes faisaient entrer l’un des arrondissements les plus pauvres de Bruxelles dans les livres d’histoire. Trois ans plus tard, même endroit, c’est un autre groupe qui s’y produit, mais avec des intentions bien plus pacifistes. Son nom : Société Etrange. Sa mission : convertir les « incroyants » fans de soupes populaires à une musique de transe, nettement plus fédératrice.

« Drôle d’endroit pour une rencontre ». Le papier aurait pu s’appeler comme ça, et on en serait venu à la même conclusion qu’on n’a pas ressenti de telles vibrations depuis bien longtemps – peut-être depuis l’apparition du groupe FRANCE, spécialisé en mantra drones donnant simultanément envie de vomir et régurgiter son repas dans un sourire. Ca se passe un vendredi soir à Bruxelles, il est 23H00 passé dans l’une des communes connue comme l’une des plus pauvres de Belgique, à Molenbeek – du moins c’est ce que tous les médias racontent. Un vigile filtre les entrées à l’intérieur d’une rue déserte, ça caille putain. De l’autre côté de la barrière, une armée de bonnets délavés fume une clope dans ce qui se ressemble à une salle polyvalente du 21ième siècle où de jeunes gens avec des fringues disparates dansent sans se dévisager; c’est, en bref, tout l’inverse d’un concert de rock blanc-bourgeois. Il y a là 150 têtes réunies pour une envie indéfinissable de regroupement, loin des codes et du centre-ville – pourtant pas loin, un kilomètre à peine. Ce n’est pas non plus le désir malsain de s’enjailler dans « le fief de Salah Abdeslam », c’est autre chose et ça s’appelle peut-être tout simplement l’underground – ou ce qu’il en reste. L’underground, parlons-en. Le trio qui m’a fait venir jusqu’ici – en Uber, hein – se nomme Société Etrange. Il est l’invité des soirées belges Actionnaires. De l’autre côté de la frontière, même heure ou presque, des Gilets Jaunes s’apprêtent à saccager les Champs Elysées. Chacun sa révolution.

Celle de ce trio lyonnais a débuté en 2015 avec un premier EP chez SK Records et depuis, il n’arrête pas de ne pas faire parler de lui. Remarquez que ça se posait là, ledit EP se nomme « Au revoir ». Trois ans après, on les retrouve là, muets comme des Lyonnais – le lyonnais est assez inexpressif de nature – en train de vite fait balancer. Sur leur Soundcloud, plein de tracks passionnantes jamais publiées ailleurs, on ressent la même intensité que face à un sourd fan de CAN tapotant sur des tambourins. D’ailleurs le batteur jouera plus tard comme une émulation 2018 de Jaki Liebezeit sur une batterie réduite au minimum d’éléments, et la foule aimera ça. Pour l’heure, je fais le tour du propriétaire avec Pierre. Nous sommes à La Vallée, un lieu polymorphe ouvert où se croisent créateurs, musiciens et entreprises privées dans une espèce de Factory gigantesque de 6000 m2 sans les artifices pour startuppers insupportables. Le lieu a ouvert voilà 3 ans sous l’impulsion de Pierre. Pierre, c’est un ancien teuffeur. Un ancien résident du Maxim’s, à Paris et son objectif ici, avec ce lieu à mi-chemin entre le squat et l’open space warholien, c’est de réconcilier les communautés, faire changer le regard des passants sur son Molenbeek, connu et raillé jusque dans les coins les plus reculés de France, là où on l’on confond encore barbus et djihadistes. Voilà 48 heures, il serrait la main à Macron, de passage dans le lieu sur invitation du Roi de Belgique. Ce dernier voulait montrer à notre cher Président à quel point Molenbeek était en mutation grâce aux 150 artistes et entrepreneurs réunis dans un lieu qui n’existe toujours pas à Paris. Résultat de recherche d'images pour "macron la vallée bruxelles" Le fameux Pierre serrant la main de Macron. A droite, le roi de Belgique. « Que le Président Macron ait cette image positive, c’est important. Mais il faut aussi que cette image se diffuse : que les populations et que tout le monde se rende compte que Molenbeek est positif, c’est ça qui est important » confiera Pierre Pevet à France Inter. Quarante-huit heures plus tard, à moins de dix mètres de cette cérémonie officielle en costumes, un groupe d’anars portés par le son continu s’apprête à délivrer sa dose de kraut-dub à une audience qui n’a peut-être jamais voté de sa vie. La scène est surréaliste, l’endroit idéal, le moment, parfait. Ledit Pierre, bonnet vissé sur la tête, m’offre une bière à 2,50 € sans trop savoir qui s’apprête à monter sur scène. La Belgique, dans toute sa splendeur. Ce groupe là, c’est tout l’inverse de la Société Générale. Déjà, sa musique c’est à peu près tout sauf Jérôme Kerviel. Un condensé, effectivement, de krautrock et de dub atmosphérique, au sens où la basse joue une place aussi importante qu’un tronc de séquoia posé dans un magasin de porcelaine. La foule entoure le groupe qui n’a pas dit un mot depuis 30 minutes. La musique parle pour lui. On croit un moment entendre Holger Czukay, à d’autres moments le collectif de La Novia ; mais contrairement à pas mal d’autres prétendants au trône d’héritiers du groove métronomique, ceux-là ne semblent prétendre à rien ; ils se contentent d’être là et distillent en moins d’une heure un poison lent qu’on appellera, faute de mieux, du funk mid-tempo de Bavière.

A la fin du concert, les trois membres sortent fumer des clopes, ils n’ont rien à vendre et se fondent dans la masse de jeunes rassemblés dans la cour de La Vallée, un lieu arty et ouvert à tous où personne n’appelle les flics passé minuit pour réunion bruyante dans la cour d’immeubles. Ici, ça semble être une soirée comme une autre, loin de tous les clichés sur la musique, l’immigration et la dernière vidéo virale consultée sur son smartphone. Une société pas si étrange que ça, finalement. Dommage que Salah Abdeslam n’ait jamais écouté “Tago Mago”.

société étrange | au revoir @ hartzine

Alors que L’Humanist SK Festival bat son plein entre Lyon et Paris (Event FB), le label plus Lyonnais que Bocuse S.K Records vient de révéler le 21 septembre dernier l’un des secrets les mieux gardés de la capitale des Gones avec la parution du premier EP de La Société Étrange. A la base duo né d’une attirance commune surnaturelle entre Antoine Bellini et Romain Hervault, avec en toile de fond un amas d’instruments analogiques et des résonances de musiques industrielles, krautrock et early electronic, cette toute nouvelle formation, pour laquelle François Virot a enregistré et mixé Au Revoir conçu à quatre mains, s’est récemment étoffée d’un percussionniste en la personne de Jonathan Grandcollot. A l’écoute de leurs divagations aussi minimalistes qu’habitées, et dans les interstices desquelles il n’est pas rare de rencontrer un Genesis P-Orridge, un Chris Carter ou même un Holger Czukay, on se prend vite à croire en leur bonne étoile, ressuscitant sans en profaner l’essence ces nébuleuses virées instrumentales ayant fait danser les enfants de l’Occident sur les cendres encore fumantes de la guerre puis de la désindustrialisation. Au Revoir se déflore ci-après en intégralité quand bien même La Societé Etrange sera en concert le temps d’une mini-tournée avec Clara Clara et Deux boules Vanille du 1er au 3 octobre.

La Societé Etrange sera en concert le temps d’une mini-tournée avec Clara Clara – qui en profitera pour présenter son tout nouvel album – et Deux boules Vanille qui débute dès ce soir à Genève et qui se termine samedi à l’Espace B parisien. Si tu aimes les Lyonnais et que tu t’en carre de JMA, on t’offre deux places. Pour tenter ta chance, rien de plus simple : envoie tes nom, prénom et un mot d’amour à l’adresse hartzine.concours@gmail.com ou remplis le formulaire ci-dessous. Les gagnants seront prévenus la veille du concert.

société étrange | au revoir @ guts of darkness

Une de plus qui se termine, allez. 2015, à celle où j'écris ces mots, finit dans quelques heures. "Au Revoir", oui. Ne nous étendons pas… À ce moment précis, ce disque-là, sorti celle-ci, émane entre mes murs, avec les parfums de cuissons, les fragrances, les couleurs, la lumière – je baisse l’intensité de l'allogène, voilà ; je monte le son ; prêt à partir, bientôt, pour aller l’achever ailleurs, l'an. Je me souviens deux autres soirs, parmi ces trois cent-soixante cinq bientôt révolus. Ils y étaient, eux – La Société Étrange. Les deux fois, je crois, j’avais à peine parcouru le programme, les noms sur les flyers. La première des deux, j’en suis sûr, j’avais oublié que c’étaient ces trois là, sous celui-ci. À coup sûr, l’une et l’autre, ça m’a saisi. Le relâchement soudain, le sourire aux oreilles ; l’envie de crier, la deuxième, avec l’inconnue juchée sur le caisson de basses, qui roulait du corps à côté d’une autre au prénom pas commun : "La Sociétééééé". Elle faisait des signes curieux avec ses mains. Je crois que je roulais aussi… La Société Étrange – est-ce un pléonasme, ce nom, ou bien autre chose, ou bien un oxymore ? – fait rouler du boule. Les femmes belles, les hommes laids, inversement, toutes variantes et variables et transformations imaginables ; et puis dans-l'œil-qui-regarde, etc. ; on n’y vient pas tous avec la même chose dans le crâne, le ventre, le cornet, ce qu’on voudra ; on ne se lasse pas de se voir tous si diversement constitués, foutus, mis, mus. Dans ces endroits-ci, il y a des Gros, des Osseux, des Ivres et des Qui Tournent à L’Eau (bon… sans doute assez peu), toutes sortes d’allumés, un peu, d’autres qui viennent, peut-être, pour échapper un peu à l’extinction – des feux, tout court, d’un truc qui les regarde. C’est ouvert. Je me souviens d’un type, une des deux nuits, que je n’avais jamais vu là et plus jamais croisé, ensuite, qui avait l’air de trouver fou d’avoir envie de s’asseoir, juste en face d’un ampli, relaxé apparemment comme il ne savait pas qu’on peut. On avait dit "eh ben vas-y", en le laissant passer. On avait continué, nous-quelques-uns-toujours-collés-devant, à remuer, faire l’onde, en embrasser la courbure, les renflements, le remous. Cette basse pèse, ancre, en même temps – décidément – fait roulement. Épaisse et pointillée, ligne pulsée. Surface oscillante. Le batteur couvre ses toms mais joue debout. Il coure, d’un élément à l’autre. La battue soudain lévite. Les machines du troisième vrillent un espace, exsude son volume, sa résonance. Pour moi – et pas seulement pour ces circonstances où je l’ai découverte ; pas uniquement pour l’heure tombante où j’écris ces lignes – c’est une musique nocturne. Vaste, opaque mais parcourue de luisances, profondeur, dehors habité. Ce nom leur va bien : ils jouent les places d’une civilisation rêvée, pressentie, encore poursuivie, peut-être. Peuplées non pas de cohortes anesthésiées, venues là pour oublier ; mais quand ils s’y mettent, où ceux qui écoutent se trouvent dans ce moment-là, vraiment, l’attention stimulée. Le mouvement qui touche au corps, tout de suite et longuement, mais sans court-circuiter la tête, l’organe cérébral, où ça circule de plus belle. Une sorte d’état rare, calme vif, excitation lucide et sans soubresaut, sans peur des redescentes. Ces six plages – et les dérives et variations qu’ils donnent en direct, donc, en concert – tiendraient d’une sorte de dub, si l’on veut ; mais "versions", alors, dont les "originales" n’existeraient pas, seraient perdues, seraient le secret véritable ; les transformations, plutôt, jouées tout de suite, telles quelles, visées autant que réminiscences, idées prises à ce point-là d’elles-mêmes. D’autres, en parlant, évoquent les mutations des musiques industrielles… Pourquoi pas. Mais on se défera l’esprit, alors, de tout l’appareil théorique, du souci "d’anti-musique" ou autre explications. On pourrait très bien dire simplement "électro", allez, si l’on croit ce qui nous prend encore aux centres de gravité, même "techno", comme on le sent, puisque c’est fait pour ça, ces formes qui bougent. Ou bien – au hasard ; si c’est ce qu’on a dans l’oreille – calypso, steelband passée dans les circuits imprimés, avec même les criquets de la lagune, comme il m’amuse d’entendre, à cet instant, sur Première Valise. On inventera le nom adéquat. Ou bien on se contentera – au sens le plus plein, le plus réjoui du terme – de son absence permanente ou momentanée. Les machines sont des instruments comme les autres. C’est à dire des prolongements, des possibles incarnés dans des choses qui ne vivent que quand on les touche, quand on les met sous tension. Ceux de La Société Étrange ont trouvées celles là – basse et batterie, donc, et appareils à touches, potentiomètres, pads. Des organes de plus, des objets qu’ils se greffent. Ils en font des agencements, singuliers, familiers. C’est heureux qu’ils tournent beaucoup, par là ou plus loin. Je vous souhaite de les croiser. J’espère que ce disque vous en filera l’envie – et qu’après, avant, au bon moment, vous y prendrez ce plaisir du flottement pas engourdi, de l’emballement tranquille. Pour le moment, je vous laisse… Une autre fête m’attend, une autre compagnie. Le changement de chiffre, sur le cadran, ne sera guère plus que le prétexte. C’est une manière, encore, de toujours continuer.