Au rythme quasi-frénétique d’un EP par an, Ok dévoile depuis 2011 un répertoire folk concrétisé cette année par la sortie d’un premier album intitulé Shards. Sous ses airs de formation acoustique, le groupe puise ses influences dans le rock, qu’il soit hard ou pop, et dans l’électro. En résultent des compositions rythmiquement élaborées, appuyées par des sonorités synthétiques surprenantes pour ce registre, et renforcées par un jeu de guitare parfois déstructuré à la manière de Sonic Youth. L’ensemble, produit avec efficacité, dégage une impression de minimalisme chère aux White Stripes. Paradoxal par ses compositions, Ok l’est également par la voix de son chanteur ajoutant à Shardsune dimension lyrique. S’il n’est pas question d’opéra-rock inspiré de Queen, la bande gagne davantage en diversité tout en préservant un caractère folk américain. Loin de se disperser maladroitement dans divers registres, Ok développe un univers musical varié, original et accessible.
Faisant appel aux instincts primaires, “Shards”, le premier album de OK, est à la fois un voyage intérieur et une ouverture sur l’autre. « A Night To Switch On », aux mélodies pop, teintées de sonorités hindous, fait penser aux grands succès de David Bowie. Ambitieux, après deux EPs, sortis respectivement en 2011 et 2012, le groupe prend le pari de voir plus grand et de toucher un plus large public. « Shards » est introduit par une guitare électrique style rock 70’s, où l’ on sent leurs influences stoniennes. « Turning On A Dime », entre pop léchée et glam rock sur fond de banjo, rend l’auditeur nostalgique. OK sait surfer sur différents courants musicaux tout en sachant rester lui-même. « Road », à la guitare hachée et vibrante fait parfois penser aux intros d’Angus Young. Truffé de référence et de clin d’œil musicaux, OK réussit le pari fou avec « Shards » de réconcilier tous les amateurs de rock.
A chaque apparition de Ok, soit à l’occasion de deux Eps sortis en amont, on regrettait tout haut qu’il ne prolonge pas le plaisir sur la longueur d’un album. C’est désormais chose faite: après deux succulentes mises en bouche, le quatuor passe enfin le cap d’un premier long format, non sans s’être imposé quelques changements. Le plus évident, l’abandon regrettable du deuxième batteur qui, autrefois ici ou là, amenait force et originalité aux compositions. L’autre, certainement plus volontaire et naturelle, c’est l’ouverture d’esprit grandissante comme la plus grande maturité d’un groupe dont l’osmose est désormais telle qu’elle lui permet d’élargir plus encore ses influences pour finir par ne répondre qu’au simple qualificatif rock. Véritable dictionnaire ouvert de la musique à guitares, ‘Shards’ puise ainsi dans tout ce qui le tente, de l’indie rock (‘Baked In Clay’) au folk (‘The Gardener’) en passant par le heavy (‘Road’), sans jamais donner le tournis ni oublier de soigner cette sacro-sainte cohérence dans laquelle le quatuor finit par tirer sa personnalité. Au dessus des modes et des tendances, les normands couchent simplement leur inspiration, sans se forcer à convaincre. S’il n’est donc pas certain que tout le monde le suive d’un bout à l’autre de cet opus plus classique que pressenti, ou soit réceptif à ses quelques prises de risque (blues sur le titre éponyme, ou electro sur ‘The Frontline’ et ‘A Drunken Text’), Ok ne se fera pas d’ennemi pour autant. A défaut de livrer l’extase attendue, il fait donc de ce ‘Shards’ un album qui ne peut laisser indifférent. Juste récompense pour qui s’offre un peu de liberté.
Avant de jeter une oreille à ” Shards ” le premier album de OK, j’erre par une nuit brumeuse et sans sommeil sur la page Facebook du groupe : OK heavy-folk. ” Heavy-folk ” ? Deux mots aussi incompatibles que ” Variété Indé ” ou ” Rondo Veneziano “. Crétin péremptoire que je suis !
J.’envoie un texto au boss : dsl ok c pamatass 2 t
Me répond : tkt c pagrav
Malgré tout, luttant contre mes démons fascisants, j’écoute”et plusieurs fois encore. Parce qu’il y a beaucoup de belles choses. Ne jamais se fier aux classifications. J.’en use la jaquette à promener le disque avec moi.
Un peu de heavy bien sûr, avec des grosses guitares blues-rock australiennes si tu piges l’astuce Angus : bons vieux riffs à deux-trois accords et mini-solos en guise de liant. Le côté lourd (heavy en anglais).
La voix de Guillaume Magne se pose, calme, éraillée, provocante ou monte très fort et très haut pour emballer la machine. Le monsieur sait très bien chanter, il me fait penser à Roger Daltrey.
Le rapprochement avec les Who ne se limite pas à une similitude de tessiture. ” Turning On a Dime ” flirte carrément avec l’opéra-rock et la nuance est présente sur tout l’album. Un petit côté ” Tommy ” avec des montages alambiqués dans les structures et mélodies. Les choeurs de bonshommes font exploser les refrains.
l’ensemble est super efficace, puissant, entêtant.
ok
J.’accrédite cette piste en emmenant mes filles à l’école. Je fais des expériences, je ne passe pas ma vie à picoler du (Back in)Black Label et fumer des clopes à dix balles ou presque en tapant frénétiquement sur une vieille Underwood ! Je profite de ces trajets pour parfaire leur éducation musicale. Je mets ” Shards ” dans l’autoradio, la petite suce son pouce à l’arrière et s’en fout royalement, la grande me dit que ouais c’est pas mal mais quand même un peu bizarre. Je ne m’inquiète pas, le monde d’une jeune fille de dix ans est, de toute façon, un peu bizarre. Mon histoire devient intéressante quand, en sortant de la voiture, elle se met à fredonner inconsciemment”comme hypnotisée”le thème principal du ” Fantôme De l’Opéra “. (La chanson préférée de mes filles en ce moment, pour te donner un ordre d’idée, c’est celle de la pub Miel Pop.’s avec les abeilles et le vocoder). Elle est sous l’influence d’une force paranormale. Évidemment ! C’est peut-être subliminal mais il y a bien une teinte opéra-rock, dans le placard ! C.’est validé. 1+1=2.
La part folk des ” OK “est plus subtile et spirituelle. C.’est cette reprise gonflée à la testostérone du ” Road ” de Nick Drake. Quiconque oeuvre à la conservation du patrimoine du maître et génie dépressif mérite les honneurs. C.’est cette belle chanson, ” The Gardener ” qui sonne comme du Bowie période Hunky Dory. C.’est ce petit banjo ou assimilé qui ouvre l’album et se promène. C.’est l’intelligence délicate ou la délicatesse intelligente des arrangements et des compositions. C.’est enfin le ciel gris et mélancolique d’un trajet Paris-Rouen sur l’autoroute de l’Ouest. à‡a c’est Folk !
Les honneurs encore, et ça, ce n’est pas du tout heavy-folk, pour l’inventivité bruitiste du très bon ” The Frontline ” ou de l’étrange et terrible ” A Drunken Text “. Plus tu avances dans l’album, plus l’expérimental s’installe. à‡a ce fait progressivement, sans que tu l’entendes, discrètement. Tu finis complètement perché avec les machines et le saxo déjanto-bahaussien du dernier titre (dont je n’arrive pas à lire le nom sur la jaquette puisqu’elle est usée j’te rappelle). Si les OK sont quatre aujourd’hui dans une formule rock.’n’rollienne classique, dans une autre vie, ils ne furent que trois, un guitariste-chanteur et deux batteurs (dont un multi-instrumentiste type Bobby Nastanovitch de Pavement, étalon-or de la profession), laissant la part belle à l’expérience sonore. Ils semblent ne pas l’avoir oublié.
Alors si comme moi tu es un peu allergique au heavy, dis-toi que c’est vraiment ici à petites doses et drôlement bien fichu. Prends ça pour de la mithridatisation au cas où un jour tu te fasses coincer dans un ascenseur avec un fan de AC/DC et son ghetto blaster. Tu seras prêt.
Shards, c’est bien plus que du heavy-folk, c’est très riche, (un peu trop parfois), très musical, très distingué.
Shards c’est OK !