Il existe une flopée d’artistes qui se sont déjà attaqués à la réécriture des poèmes de Rimbaud. Mais face à un poète aussi musical, provocateur et insaisissable, il n’y a généralement pas 15.000 options : on réussit (Léo Ferré), on délire (John Zorn) ou on se vautre (Jean-Louis Aubert). Boris Boublil, lui, il fait sensation. Il prend le poème et il l’étire, il en extrait l’atmosphère et la déploie avec une simplicité désarmante. On dit souvent que les bonnes interprétations sont celles qui nous font oublier l’œuvre d’origine. Il y a quelque chose de cet ordre dans cette version de « Sensation » : Boublil semble redonner quelque chose qui manquait au poème, une texture ou une ambiance, qui nous fait relire le texte sous un nouveau jour, plus onirique, plus mystérieux, plus mélancolique peut-être.
Peut-être le confinement a-t-il fait sa part dans cette relecture de cet appel à aller batifoler dans les grands espaces. Après des mois à s’enraciner dans nos canapés, la perspective d’aller mouiller nos fesses dans la rosée, de retrouver cette « sensation » de la nature dont nous parle Rimbaud, nous semblait comme un lointain et sublime mirage. Ce confinement, il a aussi profondément changé la nature du projet d’origine. Conduit par le membre du Surnatural Orchestra, du Sacre du Tympan et de Blind Seats, le projet baptisé Mù devait être la réunion de 9 musiciens de classe internationale : Csaba Palotaï, Jesse Vernon, Morgane Carnet, Robin Fincker, Antoine Berjeaut, Sacha Toorop, Théo Girard et John Parish.
Boublil semble redonner quelque chose qui manquait au poème, une texture ou une ambiance, qui nous fait relire le texte sous un nouveau jour, plus onirique, plus mystérieux, plus mélancolique peut-être.
Finalement, l’album The Basement a été enregistré en solitaire par ce touche-à-tout poly-instrumentiste qu’est Boris Boublil. John Parish – producteur et musicien britannique, qui a joué notamment aux côtés de PJ Harvey ou Eels et avait déjà opéré avec Boublil sur une création autour des textes de Raymond Carver (Playing Carver) – est quant à lui venu ajouter sa guitare vaporeuse, et le comédien Philippe Torreton sa voix ténébreuse. Il en résulte un titre simple, sans grande prétention, mais qui contient tout ce qu’il doit être : une atmosphère légèrement garage-rock, doucement grinçante, subtilement vaporeuse, en résonnance avec l’ADN de ce bel EP.
The Basement sortira le 18 juin chez Carton Records et on nous dit dans l’oreillette que les retrouvailles tant attendues de Mù au grand complet auront lieu le 26 mars 2022 à la Carène de Brest.