A chaque apparition de Ok, soit à l’occasion de deux Eps sortis en amont, on regrettait tout haut qu’il ne prolonge pas le plaisir sur la longueur d’un album. C’est désormais chose faite: après deux succulentes mises en bouche, le quatuor passe enfin le cap d’un premier long format, non sans s’être imposé quelques changements. Le plus évident, l’abandon regrettable du deuxième batteur qui, autrefois ici ou là, amenait force et originalité aux compositions. L’autre, certainement plus volontaire et naturelle, c’est l’ouverture d’esprit grandissante comme la plus grande maturité d’un groupe dont l’osmose est désormais telle qu’elle lui permet d’élargir plus encore ses influences pour finir par ne répondre qu’au simple qualificatif rock. Véritable dictionnaire ouvert de la musique à guitares, ‘Shards’ puise ainsi dans tout ce qui le tente, de l’indie rock (‘Baked In Clay’) au folk (‘The Gardener’) en passant par le heavy (‘Road’), sans jamais donner le tournis ni oublier de soigner cette sacro-sainte cohérence dans laquelle le quatuor finit par tirer sa personnalité. Au dessus des modes et des tendances, les normands couchent simplement leur inspiration, sans se forcer à convaincre. S’il n’est donc pas certain que tout le monde le suive d’un bout à l’autre de cet opus plus classique que pressenti, ou soit réceptif à ses quelques prises de risque (blues sur le titre éponyme, ou electro sur ‘The Frontline’ et ‘A Drunken Text’), Ok ne se fera pas d’ennemi pour autant. A défaut de livrer l’extase attendue, il fait donc de ce ‘Shards’ un album qui ne peut laisser indifférent. Juste récompense pour qui s’offre un peu de liberté.
Avant de jeter une oreille à ” Shards ” le premier album de OK, j’erre par une nuit brumeuse et sans sommeil sur la page Facebook du groupe : OK heavy-folk. ” Heavy-folk ” ? Deux mots aussi incompatibles que ” Variété Indé ” ou ” Rondo Veneziano “. Crétin péremptoire que je suis !
J.’envoie un texto au boss : dsl ok c pamatass 2 t
Me répond : tkt c pagrav
Malgré tout, luttant contre mes démons fascisants, j’écoute”et plusieurs fois encore. Parce qu’il y a beaucoup de belles choses. Ne jamais se fier aux classifications. J.’en use la jaquette à promener le disque avec moi.
Un peu de heavy bien sûr, avec des grosses guitares blues-rock australiennes si tu piges l’astuce Angus : bons vieux riffs à deux-trois accords et mini-solos en guise de liant. Le côté lourd (heavy en anglais).
La voix de Guillaume Magne se pose, calme, éraillée, provocante ou monte très fort et très haut pour emballer la machine. Le monsieur sait très bien chanter, il me fait penser à Roger Daltrey.
Le rapprochement avec les Who ne se limite pas à une similitude de tessiture. ” Turning On a Dime ” flirte carrément avec l’opéra-rock et la nuance est présente sur tout l’album. Un petit côté ” Tommy ” avec des montages alambiqués dans les structures et mélodies. Les choeurs de bonshommes font exploser les refrains.
l’ensemble est super efficace, puissant, entêtant.
ok
J.’accrédite cette piste en emmenant mes filles à l’école. Je fais des expériences, je ne passe pas ma vie à picoler du (Back in)Black Label et fumer des clopes à dix balles ou presque en tapant frénétiquement sur une vieille Underwood ! Je profite de ces trajets pour parfaire leur éducation musicale. Je mets ” Shards ” dans l’autoradio, la petite suce son pouce à l’arrière et s’en fout royalement, la grande me dit que ouais c’est pas mal mais quand même un peu bizarre. Je ne m’inquiète pas, le monde d’une jeune fille de dix ans est, de toute façon, un peu bizarre. Mon histoire devient intéressante quand, en sortant de la voiture, elle se met à fredonner inconsciemment”comme hypnotisée”le thème principal du ” Fantôme De l’Opéra “. (La chanson préférée de mes filles en ce moment, pour te donner un ordre d’idée, c’est celle de la pub Miel Pop.’s avec les abeilles et le vocoder). Elle est sous l’influence d’une force paranormale. Évidemment ! C’est peut-être subliminal mais il y a bien une teinte opéra-rock, dans le placard ! C.’est validé. 1+1=2.
La part folk des ” OK “est plus subtile et spirituelle. C.’est cette reprise gonflée à la testostérone du ” Road ” de Nick Drake. Quiconque oeuvre à la conservation du patrimoine du maître et génie dépressif mérite les honneurs. C.’est cette belle chanson, ” The Gardener ” qui sonne comme du Bowie période Hunky Dory. C.’est ce petit banjo ou assimilé qui ouvre l’album et se promène. C.’est l’intelligence délicate ou la délicatesse intelligente des arrangements et des compositions. C.’est enfin le ciel gris et mélancolique d’un trajet Paris-Rouen sur l’autoroute de l’Ouest. à‡a c’est Folk !
Les honneurs encore, et ça, ce n’est pas du tout heavy-folk, pour l’inventivité bruitiste du très bon ” The Frontline ” ou de l’étrange et terrible ” A Drunken Text “. Plus tu avances dans l’album, plus l’expérimental s’installe. à‡a ce fait progressivement, sans que tu l’entendes, discrètement. Tu finis complètement perché avec les machines et le saxo déjanto-bahaussien du dernier titre (dont je n’arrive pas à lire le nom sur la jaquette puisqu’elle est usée j’te rappelle). Si les OK sont quatre aujourd’hui dans une formule rock.’n’rollienne classique, dans une autre vie, ils ne furent que trois, un guitariste-chanteur et deux batteurs (dont un multi-instrumentiste type Bobby Nastanovitch de Pavement, étalon-or de la profession), laissant la part belle à l’expérience sonore. Ils semblent ne pas l’avoir oublié.
Alors si comme moi tu es un peu allergique au heavy, dis-toi que c’est vraiment ici à petites doses et drôlement bien fichu. Prends ça pour de la mithridatisation au cas où un jour tu te fasses coincer dans un ascenseur avec un fan de AC/DC et son ghetto blaster. Tu seras prêt.
Shards, c’est bien plus que du heavy-folk, c’est très riche, (un peu trop parfois), très musical, très distingué.
Shards c’est OK !
« Seul en scène avec guitare, trompette et pédales d'efets psychotropes, ce songwriter de génie nous entraîne dans les méandres d'une forêt intérieure étrangement habitée, où les mots ne nous sont d'aucun repères. Même si on le sait totalement bilingue et compositeur de morceaux teintés d'une folk plus britannique tirant parfois vers le punk-noise, il nous a offert ce jeudi un set comme un très fin fil, fragile, majoritairement en français et en frissons. Ce qui est bien avec Gilles Poizat, c'est qu'on a beau écouter sa musique plusieurs fois, on ne s'y habitue pas. » Gaëlle Jeannard
"Mais qu’est-ce qui fait courir Gilles Poizat ? L’homme est aussi insaisissable que sa musique. Trompettiste de formation (il en reste des traces sur Lentement ou Major Quality), joueur de kora pour des artistes africains, le songwriter a fnalement choisi la guitare pour assoire sa musique dans une position pour le moins bancale. Poizat a des micro-vertiges et des fottements et on le comprend. L’homme est un esprit libre, un franc-tireur qui peut dégoupiller une bombe punk noise (parasite) ou improviser une pièce instrumentale à la guitare acoustique (Lit-Cage dans la lignée de l’aventureux L’Ocelle Mare) ou irradier la chanson française par des rayons expérimentaux (Moment de force). Entre ces extrêmes, Poizat écrit de drôles de folk songs, chaotiques et changeantes mais recomposant des passages d’une beauté fragile, comme le pourpre rétinien qui se reforme après avoir été plongé dans l’obscurité. On pourrait citer Daniel Johnston ou Ariel Pink si le Français n’insufait une dose de folk plus britannique dans ses chansons éprises de liberté (Proper dance ou l’étrange Twin Peaks Baby). Débridé, bizarrement taillé mais fnalement attachant." Denis Zorgniotti
Wet, 2e enregistrement studio pour ce trio atypique composé d’un guitariste chanteur et de deux batteurs. Parmi les deux batteurs, un nom connu, Piazza, Jérémie, qui n’est autre que le neveu de Roberto, alias Little Bob, avec qui il a joué au sein du groupe Little Bob et Little Bob Blues Bastards, le projet 100% Blues de Roberto. Les deux sont aussi des musiciens chevronnés, puisque Guillaume Magne a joué dans plusieurs formations dont L-Dopa, déjà chroniqué dans nos pages. Idem pour Sebastien brun, batteur et clavier de Hollywood mon amour, Linnake, Batlik…
Au sein de Ok, le trio s’amuse, expérimente, construit, déconstruit, triture, tricote… Partant d’une base folk rock épuré, il y intégre un dimension rock’n’roll, empruntant alors tout azimut, du coté de Chokebore, Sloy, Pavement, Sonic Youth, I love UFO, Neil Young, Band of Horses, White Stripes, Beck ou encore Liars, avec qui ils partagent un gout certain pour le psychédélisme...
A peine 5 titres sur ce CD, à peine assez pour se faire une idée definitive pour les orientations musicales du trio, mais suffisamment pour ressentir l’atmosphere électrique terriblement tendu dégagée par chaque titre et même le sens aigue de la mélodie dissimulée parfois sous les rythmes erratiques des deux batteries.
Une tres bonne note pour l’énergie dégagée et l’intensité grandissante titre apres titre, jusqu’à son sommet (To-know). Un tout petit bémol pour le manque d’originalité peut-être. Mais c’est un peu le cas pour chaque groupe aujourd’hui depuis une décennie au moins.
On va donc juste attendre l’arrivée d’un LP pour avoir un avis définitif sur la chose ! En attendant, je soupçonne qu’il serait de tres bon ton d’aller voir le groupe sur scène pour confirmer les bonnes ondes dégagées par Wet.
Personne ne pourra un jour affirmer que Carton records n’a jamais rien fait pour développer son catalogue au delà de toute une mouvance free jazz actuelle, fantastiquement moderne et toujours innovante – mouvance fortement appréciée par ici. Carton se contenterait de produire des formations aussi passionnantes et inventives que les Lunatic Toys et IRèNE que l’on y verrait aucun inconvénient et rien à redire mais, positivement, le label mené par Sebastien Brun a également choisi de farfouiller ailleurs et peut déjà s’enorgueillir d’avoir publié les disques de Gilles Poizat ou de OK. Le trio est justement de retour avec un second EP, toujours chez Carton records, et il s’intitule Wet.
Le premier EP sans titre d’OK avait d’abord créé la surprise avant de susciter l’adhésion. Wet ne change pas réellement la donne mais, si on peut dire, améliore encore la formule du groupe mené par Guillaume Magne (chant, guitare et compositions) soutenu par deux batteurs complémentaires. OK joue à la fois une musique très pop c'est-à-dire une musique directe, qui donne le sentiment d’être de maintenant et une musique aux atours expérimentaux qui ne l’empêchent jamais de tourner dans le bon sens. Par bon sens on entend celui décidé par ce chanteur/guitariste aux idées toujours piquantes. Ainsi les cinq compositions présentes sur Wet répondent toutes à deux critères – assez larges malgré tout – qui sont immédiateté et étrangeté. D’apparence tout est simple chez OK mais en même temps tout est bizarre. Rien n’est facile mais rien n’est insipide. Rien n’est bêtement primesautier et tout est généreusement exigeant. Et quand l’émotion s’en mêle (The Right Way et Your Third Strike), OK développe une idée de la beauté aussi intrigante que prenante.
Wet présente en outre l’avantage d’avoir été enregistré dans de meilleures conditions techniques que son prédécesseur bien plus lo-fi et la qualité de la production s’en ressent d’autant, largement plus dynamique et soulignée. Particulièrement on goûte davantage au travail de la guitare (avec un vrai beau son), aux manipulations de clavier effectuées par l’un des deux batteurs et au travail sur les voix. On savoure une fois de plus le talent d’écriture de Guillaume Magne, ses lignes de chant décalées et sa voix nasale, son éclectisme et après tout un groupe qui ose mettre une vache – le plus bel animal du monde soit dit en passant – en illustration de son disque est forcément une groupe qui attire l’attention.
un groupe, OK, un ep, "wet", et 5 titres qui ne vous quittent plus après les avoir écoutés...
Seulement 5 titres cette fois ci, c'est vrai, mais il arrive que 5 chansons vraiment habitées vous emmènent bien plus loin qu'un album complaisant (et... il y en a quelques uns)...
OK est un trio, et un trio étonnant, puisque composé d'un guitariste-chanteur et de... 2 batteurs... si, si, 2 batteurs pour de vrai (même si sur WET Seb Brun & Jérémie Piazza, les 2 cogneurs tâtent aussi de la basse, du clavier ou de la cornemuse...).
Et donc, forcément, qui dit 2 batteurs, dit 2 batteries, l'une électrique, et l'autre... animale (c'est OK qui le dit)...
Cette rythmique touffue soutien à merveille la guitare de Guillaume Magne, qu'il s'agisse d'arpège déjantés ("Hollywood", "Your third Strike") ou de riffs tordu à la Sonic Youth ("To Know") ou très 90's ("Wet", ou la
ballade "The Right Way"), et la voix est totalement hypnotique, comme sur l'incantatoire "Your third Strike", trip shamanique électrique.
Les 5 chansons de ce WET nous font voyager du Folk à une pop lo-fi très sub pop 90, en passant par un rock garage franchement velu...
Le mélange des 2 batteries, électro et acoustique est une vraie trouvaille, les guitares sont brutes, et les arrangements pas trop chargés (même la cornemuse passe en souplesse, c'est dire), bref, OK a un son.
Un son et un univers dans lequel on ne demande qu'à rester, encore un peu plus longtemps... vivement l'album !!!
Régalez-vous...
A l’écoute d’OK, on vit une sensation double : d’un côté la certitude de tomber sur un trio maniant tous les arcanes de la bonne mélodie pop-rock ; de l’autre le sentiment tenace et troublant d’avoir une vision décalée de ce qui semble couler de source. Il faut dire que le trio comporte 2 batteurs, le troisième larron étant dévolu au chant et à la guitare. La rythmique chaotique parfois bruitiste serait-elle la seule raison de ce trouble ? Pas si sûr car si cette jdouble batterie donne la marque de fabrique du groupe, OK choisît d’autres voies d’arrangements parasites par rapport à l’évidence des mélodies. Comme ce son de cornemuse persistant sur l’ouverture de l’EP, un Wet à l’énergie par ailleurs revigorante. Comme ces structures hachées qui font passer sans transition de la pastoralité folk d’un Nick Drake à un rock concassé aux accents industriels (Hollywood, Your Third Strike). Même le plus classic rock To Know (Pearl Jam n’est pas loin) a ce je ne-sais quoi de folie pour devenir d’un coup hautement fréquentable. La voix même de Guillaume Magne, laissant poindre volontiers ses propres fêlures, participe à l’ambivalence du disque. Deuxième EP du trio et deuxième claque ; en 2012, le rock peut encore se montrer inventif. (4.0) Denis Zorgniotti
Carton records / Mars 2012
La voix nasillarde de hippie limite psyché folk, la guitare en bandoulière… sauf que derrière les deux batteries ne laissent pas de répit à l’inventivité de ce trio rock à rôles inversés : pop sauvage, émotions brutes et jeu hors piste.
"Se construire et créer à sa façon"
Nouveau pensionnaire de l'excellent label Carton, GILLES POIZAT s'avance en éclaireur doucement allumé sur les terres d'un
songwriting anglo-français où le rêve peut se transformer en expérience, la recherche en poésie et la pensée en montée de
fèvre. Entretien avec un véritable maître alchimiste.
Gilles Poizat : J'ai commencé la musique tout gamin, en entrant au conservatoire à 6-7 ans et en y apprenant la trompette à
partir de 8 ans. Depuis, je n'ai jamais arrêté de jouer, même si, pendant longtemps, je n'en ai pas fait un métier… A l'âge
où j'étais au lycée, l'ambiance, dans la classe de trompette, était à la professionnalisation. Moi, j'étais un peu dans l'entredeux.
J'ai vaguement pensé à suivre cette voie, mais je ne bossais pas assez l'instrument pour passer les examens, je
n'avais pas non plus d'horaires aménagés au lycée. Je suis entré en fac de biologie, et comme ça m'a beaucoup plu j'ai pris
ce chemin. Mais je n'ai pas barré la musique de ma vie. C'est même après le conservatoire que j'ai commencé à monter des
groupes. J'ai ensuite passé de nombreuses années à me demander si je voulais continuer à être chercheur en biologie ou si
je voulais me consacrer à la seule musique. Je me suis longtemps posé la question de ma légitimité.
Une question que tu liais à tes compétences en tant que musicien ?
Non, plutôt à cette idée de faire de la musique un métier. Qu'est-ce que j'ai vraiment à faire sur scène ? C'est toute la
question de l'esprit et du rôle social de l'artiste. Pourquoi est-ce lui qui est sur scène et s'exprime devant les gens ? Qu'estce
qu'il a de si intéressant à dire pour qu'on l'écoute avec attention ? Bon, aujourd'hui, j'ai un peu dépassé ces
interrogations. Je me suis légèrement détendu…
Le fait de jouer dans des groupes, notamment depuis 2002 au sein du collectif Mazalda, où tu es par nature moins exposé
que dans une confguration solo, n'a pas atténué ces questionnements ?
Oui et non. J'ai par exemple longtemps joué avec une fanfare, Musicabrass, qui a été créée dans les années 80 et qui a été
assez novatrice dans le spectacle de rue, notamment en utilisant l'improvisation musicale et en jouant avec les situations,
les contextes, en apportant quelque chose d'absurde et de comique. J'aimais ça, ça m'attirait vraiment beaucoup. Mais
j'avais l'impression de ne pas être moi-même assez libéré pour pouvoir jouer comme ça avec les codes de la vie sociale.
Dans ma propre existence, je ne suis pas très à l'aise avec eux… Tout ça m'a donc amené à me poser des questions. Pour
moi, ces doutes rejoignent le fait que j'ai beaucoup de mal à écrire des paroles, surtout en français. Je me demande si j'ai
vraiment quelque chose à dire… Ce qui, aujourd'hui, me plaît dans mon projet solo, c'est qu'il m'a permis de trouver un
petit chemin pour me creuser une place. Une place qui n'est pas déterminée par d'autres musiciens, et qui se situe à une
échelle qui me correspond.
Cette question de la légitimité, tu ne penses pas qu'elle peut se poser dans tout corps de métier ?
Si, certainement. Elle se pose aussi dans la recherche, d'ailleurs… Mais la grande diférence, c'est qu'il y a dans ce milieu un
côté académique : tes diplômes ou ton poste t'octroient automatiquement une autorité, ou au moins une légitimité. Dans
la filière de la musique classique, je suppose que ça peut fonctionner de la même façon. Mais dans mon cas, et dans le
type de musique que je joue, il n'y a aucun de ces critères académiques. Et c'est ce qui, finalement, m'a attiré et m'a
amené, fin 2004, à lâcher la recherche et à devenir intermittent. A partir de là, c'était vraiment à moi de mener ma barque,
de vivre d'une activité qui ne dépendait que de moi, et pas de mes diplômes. J'ai suivi cette logique jusqu'au point de me
retrouver aujourd'hui à me produire sous mon nom avec un instrument, la guitare, dont je ne sais pas jouer de manière
orthodoxe.
Pour quelqu'un qui doute, tu ne crains quand même pas de te jeter à l'eau.
Oui, mais je mets du temps, quand même, hein… J'hésite pas mal sur le plongeoir…
En musique, je trouve important de ne pas forcer les choses. Il m'a fallu des années à jouer de la trompette dans des
contextes de groupe avant que je mette à l'écriture de chansons guitare-voix. Avec Micro-vertige et l'expérience du
fottement [en écoute ici dans Le Creux de L'Oreille], je me suis retrouvé en situation de débutant. La guitare, j'en jouais
depuis l'adolescence, mais dans ma chambre. Jamais je ne l'avais pratiquée dans un groupe ou devant les gens. Au départ,
cette histoire en solo était donc très fragile, et ça s'est d'ailleurs passé tout doucement. J'ai joué certaines de ces chansons
avec Mazalda, d'autres ne collaient pas avec le répertoire du groupe. Ensuite, on a essayé une formule en trio, avec batterie
et orgue. Mais comme je ne suis pas très assuré à la guitare, et que jouer avec d'autres me stressait un peu, j'ai finalement
eu envie de voir ce que ça donnerait tout seul.
Comment expliques-tu ce passage assez tardif au solo ?
Quand on apporte une chanson à un collectif, chacun fnit par se l'approprier – sauf si, d'entrée, on en a une idée vraiment
très claire. Ça peut être l'un des bons côtés du travail de groupe, mais à force, on perd un peu le fil, son fil. J'ai donc voulu
me rapprocher de la chanson, dans la solitude. C'était à la fois vraiment flippant et intrigant : j'étais très curieux de voir ce
que ça allait donner.
Tu n'avais donc pas de pistes ni de plans particuliers, tu ne savais pas trop où tu mettais les pieds ?
Musicalement, j'avais bien quelques idées. Mais encore une fois, tout s'est mis en place graduellement, ponctuellement. De
temps à autre, ici et là, des relations et copains m'ont proposé de me produire tout seul. Maintenant, une fois l'album
enregistré, avec tout le temps et toute l'énergie que j'y ai mis, j'ai envie qu'il soit un peu écouté. En matière de disques,
mes expériences précédentes, que ce soit avec Mazalda ou avec Greg Gilg [Gilles Poizat a participé en tant
qu'instrumentiste à l'enregistrement de l'album de ce dernier, 14:14] par exemple, ont toujours été un peu les mêmes : on
réalise un disque, mais comme il n'est pas distribué, qu'il n'y a pas de label ni de promo, il n'existe pas vraiment, il ne se
passe pas grand-chose, en dehors des ventes qu'on peut faire aux concerts. Je trouve ça dommage. On aboutit un projet,
et ça n'ouvre pas de portes, ça ne provoque pas de rencontres. Pour Micro-vertige…, c'est un peu diférent, puisque j'ai eu
cette proposition de Seb Brun, du label Carton. Ça m'a beaucoup plu, parce que, là aussi, il n'y a rien eu de forcé,
d'artifciel. J'ai d'abord rencontré Guillaume Magne [du groupe OK, également impliqué dans le label Carton] il y a quelques
années, via MySpace : chacun appréciait les chansons de l'autre, on s'est partagé des concerts à Paris, à Lyon et dans la
région… La connexion s'est tissée comme ça, naturellement, au fil du temps. Du coup, lorsqu'il m'a été proposé d'être sur
Carton, ça avait vraiment un sens. Le fait d'avoir sorti le disque sur un label a généré des chroniques sur internet : tout ça a
contribué à me donner un peu confance. Pour la première fois, j'ai démarché activement des lieux, recherché des dates.
C'est quelque chose je n'avais jamais fait auparavant. Aujourd'hui, même si je suis toujours bien occupé par Mazalda, et
par d'autres groupes dans lesquels je joue, c'est le solo qui m'occupe le plus l'esprit.
As-tu l'impression d'être un musicien différent depuis que tu t'es lancé dans la composition et le jeu en solo ?
Je n'ai pas changé fondamentalement, j'ai simplement le sentiment d'avoir avancé. Là où je me suis un peu découvert, c'est
dans le fait d'oser être là, seul, face à un public. Ce qui est particulier, notamment parce que je n'utilise pas de boucles ou
de choses comme ça, c'est que ça peut s'arrêter à chaque instant. C'est très diférent de mes expériences en tant que
trompettiste dans des groupes : là, si je m'arrête, la musique peut continuer sans moi. En solo, tout ne dépend que de moi.
Je peux foirer un passage, ou choisir de suspendre mon geste, d'amener un moment de silence que je laisse vivre… Autant
de choses que je découvre et avec lesquelles j'aime bien jouer.
Tu dis "foirer un passage" avec un grand sourire, comme si ce n'était pas du tout un drame.
Au début, j'avais vraiment du mal à me concentrer sur la durée d'un concert et je me trompais souvent d'accord. Là dessus,
j'ai avancé. Aujourd'hui, si je me plante, je ne le cache pas et je reprends : ça passe. Le problème, quand tu te
trompes à répétition, c'est que ça te met vite dans la peau du musicien vulnérable, maladroit. Et ça, au bout d'un moment,
je trouve que ça casse quelque chose. Il y a des gens, aujourd'hui, qui me disent : "Ah, on aimait bien quand, au début, tu
n'arrêtais pas de te planter, c'était vraiment fragile !" Oui, c'était peut-être marrant, mais moi j'ai envie de quelque chose
de plus solide. La fragilité, je l'aime à travers l'idée que ça peut s'arrêter à chaque instant. Pas à travers le fait que je
connaisse mal mes morceaux ou que j'aie du mal à rester concentré : ça, ça n'est pas très intéressant, je ne vois pas ce que
ça apporte…
D'autant que, sur disque, tes chansons ne reposent pas du tout sur cette idée de fragilité. Elles expriment même un certain
souci de précision, et véhiculent une dynamique, la volonté d'aller d'un point A à un point B.
C'est en tout cas ce que j'essaie de réaliser.
En dépit du format qui s'y rattache et du nombre limité d'outils que tu t'es donné (guitare, voix, trompette), tes chansons
balaient un spectre expressif assez large : il y a des moments où la matière sonore est dense, d'autres au contraire où elle
est plus diluée et épurée, des passages où elle est chaotique et d'autres où elle est plus stable.
J'aimerais bien que ce travail sur la matière transparaisse, oui. Je voudrais d'ailleurs aller encore plus loin dans cette
direction, en créant des ambiances sonores assez larges. Mais ça, aussi, ça demande une certaine forme d'assurance, des
choix assumés. Sur scène, j'utilise des pédales d'efets qui me permettent d'enfler et de suspendre le son. J'aime bien, par
exemple, régler les delays à la limite de l'emballement du feedback : certaines notes enflent sans qu'on sache trop si ça va
aller vers un larsen ou si ça va tenir. Oser laisser la musique se développer, jouer avec ce qu'elle a de mouvant et de limite,
tenir une durée, ne pas aller tout de suite vers ce qui est accrocheur, faire entrer les gens dans cette expérience-là : ce
sont des choix qui me plaisent et que j'aime prendre. Mais il m'arrive de douter, de me dire que je me trompe de propos,
que les gens vont être perdus. J'ai encore beaucoup de choses à explorer dans ce domaine.
Cette variété dans les approches rappelle qu'en tant que musicien, tu es d'une grande souplesse, d'une grande capacité
d'adaptation : dans les expériences de groupe, tu as toujours eu cette faculté de passer d'un univers à un autre.
Il y a plein de façons de faire et d'écouter de la musique, que j'aime de la même façon. Que ce soit de la musique
improvisée, plus basée sur le son, ou de la chanson plus pop, que ce soit de la musique ancienne ou des expressions plus
modernes : j'aime côtoyer toutes ces réalités et ces pratiques-là. Dans Mazalda, on est dans un fonctionnement purement
oral, on s'apprend les morceaux entre nous, qu'il s'agisse de reprises de musiques populaires de tous les pays ou de
compositions originales : chacun trouve plus ou moins son arrangement, le processus est collectif. Parallèlement, je joue
aussi dans un orchestre de neuf musiciens qui s'appelle Le Grand Bal des Cousins : là, tout est écrit à la note près, tout est
centralisé par le directeur de l'ensemble, Etienne Roche. Cette expérience-là, qui consiste à déchifrer et à découvrir
comment l'arrangement sonne avec les autres, est donc complètement différente. Mais j'aime tout autant ces deux
approches. J'aime aussi, dans l'improvisation libre, l'état et l'écoute qu'exige cette façon de tourner autour de la matière
sonore, qu'on soit musicien ou auditeur. Il faut faire un peu de vide en soi, laisser de la place… Alors que d'autres formes
plus accrocheuses, plus séduisantes d'entrée, ne demanderont pas cette démarche ; et ça fait du bien aussi.
Dans les chroniques qui ont été écrites au sujet de ton disque, reviennent de manière récurrente des fliations avec toute
une nébuleuse de songwriters anglais composée d'individualités comme Syd Barrett, Robert Wyatt ou Kevin Ayers.
Trouves-tu ça fatteur, surprenant, un brin paresseux ?
Je ne me suis pas dit que j'allais écrire "à la manière de", mais c'est évidemment fatteur : ce sont des gens que j'ai pas mal
écoutés et que j'aime, en particulier Barrett et Wyatt. Derrière eux, je vois d'autres infuences communes entrer en jeu :
chez Barrett, par exemple, j'entends aussi de la musique ancienne, qu'il a réinjectée dans des atmosphères plus planantes
– mélange auquel je suis moi-même très sensible.
Ce qui, dans l'esprit, peut te rapprocher d'un Robert Wyatt, c'est cette façon de refuser la banalité, dans l'harmonie comme
dans la conduite et la construction des chansons, sans tomber non plus dans le piège de la complexité à foison. Dans ce
jeu-là, la guitare a-t-elle été une précieuse alliée ?
Je ne suis pas du tout un bon joueur de clavier, mais quand je me retrouve devant les touches, j'adore plaquer un accord et
imaginer ceux que je pourrais enchaîner derrière. Les chemins d'accord, c'est vraiment quelque chose qui me plaît. Et pour
ça, la guitare permet efectivement d'en tracer, même s'il y a des contraintes au niveau du doigté… Chez Wyatt, j'aime
beaucoup ce rapport à l'harmonie, oui. Et son phrasé, aussi, son accent anglais qui, comme Syd Barrett, a sans doute
infuencé le mien. Après, pour sortir du domaine strictement anglais, quelqu'un comme Arto Lindsay m'a également
beaucoup marqué. J'aime chez lui ce mélange de questionnements sur soi et d'expressions par moments complètement
lâchées, ce mélange de doute et d'assurance. Je suis aussi allé voir Leonard Cohen lors de sa dernière tournée. Et j'ai été
frappé par l'image de cet homme qui a vraiment décidé de faire de la chanson à sa façon, sans se la jouer showman. C'est
très inspirant, ça. Personnellement, je ne me suis jamais senti de faire du divertissement, de jouer un rôle. Ce ne serait pas
moi. Ça deviendrait un job, un truc préfabriqué, sans intérêt. Avec Mazalda, nous nous sommes aussi vraiment construits
dans cette idée-là. On nous a souvent reproché, d'ailleurs, de ne pas parler sur scène, de ne pas être expansifs, etc. Mais
peu importe. Rencontrer ces gens-là m'a conforté dans l'idée qu'il fallait se construire et créer les choses à sa façon.
Pour en fnir avec Wyatt et toi : il y a entre vous un goût commun pour une certaine forme d'absurde, ou de fantaisie.
Ça, c'est quelque chose que je ne contrôle vraiment pas. J'ai même du mal à en jouer facilement. Je crois que ça vient du
fait que je n'ai pas un goût tellement prononcé de l'écriture et de la langue, comme peuvent l'avoir par exemple des gens
comme Bertrand Belin, ou encore Sing Sing et Eloise Decazes [de Arlt], que j'ai rencontrés en participant à l'enregistrement
de l'album de Greg Gilg. Leur approche m'attire beaucoup, mais je n'arrive pas du tout à avoir la même, ou alors très
difficilement. Est-ce que c'est parce que je n'ai vraiment pas grand-chose à dire, ou parce que j'ai vraiment trop
d'autocensure ? Il y a sans doute un peu des deux. C'est peut-être pour ça, aussi, que j'utilise majoritairement l'anglais : il
m'ouvre un terrain plus neutre, plus libre, où je me bride moins. J'aimerais écrire davantage en français, parce que je
trouve parfois bizarre de chanter en anglais devant un public français : je tends vers un maximum de simplicité, et à mes
yeux le choix de l'anglais ressemble par moments à un artifice, une façon de noyer le poisson. Mais j'ai encore trop de
blocages avec notre langue. Peut-être que je ne prends pas assez de temps, peut-être qu'il faudrait que je fasse des jeux
d'écriture, pour me libérer.
Chez toi, l'écriture n'est donc pas une pratique naturelle ?
Non. J'ai essayé, mais j'ai toujours trouvé ça lourd… Ça m'attire beaucoup, mais je voudrais atteindre une forme de légèreté
et d'ouverture qui m'échappe le plus souvent. Dans mon cas, les textes en français ont tendance à prendre beaucoup de
place et à tout écraser. Il est aussi plus dur d'être dans le son, dans la musique des syllabes : le sens prend vite le dessus,
chaque mot est chargé de sous-entendus… Dans mon cas, l'anglais m'amène donc à une forme de naïveté qui m'allège.
Tu évoquais tout à l'heure ta légitimité de musicien. Dans Micro-vertige et l'expérience du fottement, la question de la
place qu'on occupe, qu'on doit se trouver, à une petite comme à une grande échelle, dans l'environnement humain le plus
proche comme dans le vaste monde, se pose dès Proper Dance, le premier titre. C'est un thème qui court au long de
l'album.
J'ai écrit coup par coup, je n'avais pas de schéma prédéfni. Mais je me suis rendu compte a posteriori que l'album parlait
pas mal de ça, oui.
Tes anciennes activités dans la recherche ont-elles nourri ton écriture ? Avant même de savoir que tu étais chercheur, je
trouvais que tes textes, qui n'empruntent pas les registres du récit ou de la confidence, étaient construits comme de
petites études, des observations.
Je m'en suis aussi aperçu à travers les thèmes des chansons. Certaines d'entre elles ont même été carrément inspirées par
ces activités. Parasite, par exemple, est née d'une conférence qu'un collègue de labo avait donnée sur un parasite qui
change le comportement de ses hôtes – en l'occurrence des crevettes – pour favoriser sa reproduction. Une fois parasitées,
les crevettes, au lieu de se planquer au fond de l'eau, tournent à la surface : du coup, les oiseaux les bouffent
préférentiellement. Or, ces parasites ont besoin de passer par un tube digestif d'oiseau pour accomplir leur cycle de
reproduction… Dans ce cas-là, l'inspiration, transposée sous une autre forme, découle donc directement de ce qu'était
mon métier de chercheur. Moment de force s'appuie aussi sur les notions de systèmes mécaniques et de forces pour
illustrer la prise de décision et les hésitations qui peuvent l'entourer. Il y a aussi une chanson sur les statistiques… Je dois
dire que ça m'a fait plaisir de pouvoir tracer des liens entre ces thèmes-là et la musique. Des sujets comme l'évolution
continuent de m'intéresser vraiment, je lis encore des choses à ce propos ; ça reste présent dans mon esprit.
Du coup, on ressent aussi dans tes chansons cet écho et cet impact intimes que l'étude du vivant peut avoir dans le corps
comme dans l'esprit du chercheur.
C'est évident. Par exemple, j'ai longtemps travaillé sur les stratégies de reproduction de l'épinoche, un petit poisson. Par la
théorie de l'évolution, tu es amené à des schémas, des façons de voir les choses, des compromis. La grande question,
c'est : est-ce qu'on met toute notre énergie dans la reproduction, d'un coup, au détriment de notre survie, ou est-ce qu'on
ménage notre survie en étalant dans le temps l'énergie qu'on place dans la reproduction ? A travers ces expérimentations
et ces théories, il y a aussi une certaine satisfaction à essayer de simplifer des choses qui sont complexes. Et ça crée
forcément une résonance par rapport à nos propres modes de vie, notre propre manière de nous reproduire, ou pas. Ce
n'est pas du tout cloisonné… A ce propos, aussi, l'utilisation de l'anglais renvoie d'une certaine façon à mon passé de
chercheur : la plupart des articles que je lisais, ou que j'ai pu écrire, étaient dans cette langue. J'ai donc un rapport
particulier à l'anglais – renforcé par le fait que j'ai vécu un an aux Etats-Unis quand j'étais petit, en allant à l'école
américaine. J'ai un vrai goût, ancré et ancien, pour cette langue, qui s'est aussi exprimé par les musiques que j'ai pu
écouter par la suite. En plus, l'anglais scientifique est assez simple : dans une discipline ou un sujet donnés, il n'y a pas dix
mille mots de vocabulaire. Je crois que ça transparaît dans mon disque. Ma manière d'écrire des phrases vient aussi de
mon expérience et de ma pratique de l'anglais dans le cadre de la recherche.
Sais-tu vers quoi ouvre la suite de tes aventures en solo ? Ou est-il trop tôt pour distinguer une direction, un horizon ?
J'ai plusieurs nouveaux morceaux en chantier, mais je n'ai pas de paroles, justement… Ce n'est pas une partie du travail
que je contrôle. Je ne peux pas me dire : cet après-midi, je vais avancer sur tel texte. Tout ce que je sais, c'est que j'ai cette
envie de poursuivre cette expérience, de prolonger le fil.
Autre son à écouter sans modération : OK Wet. ça ressemble à Gorillaz mais c’est pas ça. On se pose sur un canap. La fenêtre entrouverte et on écoute Hollywood en boucle. Road trip version musique. Cheveux au vent on ferme les yeux et on a embarqué avec eux. Allez écoutez vous allez aimer…
Ils s’étaient fait connaître en enregistrant leur premier maxi en seulement trois jours sur un tout petit 4 pistes à cassette, les revoilà avec un nouveau maxi tout aussi urgent et tout aussi déstabilisant, une rondelle dans laquelle les trois garçons adeptes de la musique sans concession laissent libre cours à ce qu’ils taxent souvent de drums pop symétrique, un genre que l’on n’est pas encore parvenu au mieux à expliquer sur le papier. Guillaume Magne au chant et aux guitares, Sébastien Brun à la batterie et aux claviers et Jérémie Piazza à la batterie animale et aux percussions ont ainsi fait le pari de taper sur tout ce qui leur passait à portée de main, mais c’est sur un ton qui va de la pop au rock qu’ils le font, et plutôt bien en plus, laissant à l’occasion les cornemuses s’installer sur une galette qui passe de la violence à la délicatesse et réciproquement sans vraiment crier gare. Des breaks en veux-tu en voilà, des passages en mid-tempo du plus bel effet, des percussions roots plutôt bien senties, OK ne se pose pas de question inutile quand il est question de mettre des sentiments dans ses chansons et c’est avec de belles choses comme « Wet », « The Right Way » ou encore « To Know » que le trio passe des harmonies aux dissonances avec une habilité fort attachante. On saluera en plus de la musique la présentation séduisante et économique d’un digisleeve en carton brut qui donne un cachet confidentiel et original à un ouvrage qui devient la première sortie d’un jeune label, Carton Records, qui trouve du même coup un slogan efficace : « Des disques en carton, une musique en béton ». Dans le cas précis de OK, il n’y a absolument pas tromperie sur la marchandise, c’est certain.
Wet, 2e enregistrement studio pour ce trio atypique composé d’un guitariste chanteur et de deux batteurs. Parmi les deux batteurs, un nom connu, Piazza, Jérémie, qui n’est autre que le neveu de Roberto, alias Little Bob, avec qui il a joué au sein du groupe Little Bob et Little Bob Blues Bastards, le projet 100% Blues de Roberto. Les deux sont aussi des musiciens chevronnés, puisque Guillaume Magne a joué dans plusieurs formations dont L-Dopa, déjà chroniqué dans nos pages. Idem pour Sebastien brun, batteur et clavier de Hollywood mon amour, Linnake, Batlik…
Au sein de Ok, le trio s’amuse, expérimente, construit, déconstruit, triture, tricote… Partant d’une base folk rock épuré, il y intégre un dimension rock’n’roll, empruntant alors tout azimut, du coté de Chokebore, Sloy, Pavement, Sonic Youth, I love UFO, Neil Young, Band of Horses, White Stripes, Beck ou encore Liars, avec qui ils partagent un gout certain pour le psychédélisme...
A peine 5 titres sur ce CD, à peine assez pour se faire une idée definitive pour les orientations musicales du trio, mais suffisamment pour ressentir l’atmosphere électrique terriblement tendu dégagée par chaque titre et même le sens aigue de la mélodie dissimulée parfois sous les rythmes erratiques des deux batteries.
Une tres bonne note pour l’énergie dégagée et l’intensité grandissante titre apres titre, jusqu’à son sommet (To-know). Un tout petit bémol pour le manque d’originalité peut-être. Mais c’est un peu le cas pour chaque groupe aujourd’hui depuis une décennie au moins.
On va donc juste attendre l’arrivée d’un LP pour avoir un avis définitif sur la chose ! En attendant, je soupçonne qu’il serait de tres bon ton d’aller voir le groupe sur scène pour confirmer les bonnes ondes dégagées par Wet.
Il y a un an, quand Ok sortait son premier Ep, on voyait illico en lui un groupe capable de faire remonter brillamment à la surface de multiples influences nineties, idéales pour qu’il entre dans la ronde du revival actuel. Mais qui dit “revival” ne dit pas forcément “redite”. “Wet”, le nouvel aperçu de ce dont Ok est capable, l’illustre une nouvelle fois magnifiquement tant il transforme les probabilités émises autrefois en certitudes, et nous fait plus encore regretter l’absence totale d’un premier album qui se fait décidément attendre. D’autant qu’il ne fait aucun doute que Guillaume Magne et ses comparses possèdent le potentiel pour aligner une dizaine de compositions aussi intéressantes que celles qu’il a immortalisé jusque-là. Du coup, il faudra encore se contenter de ces cinq titres, les écouter en boucle, se laisser chaque fois impressionner par ce répertoire original et accessible. La preuve avec “Wet” qui ouvre les hostilités en mêlant une cornemuse à son indie pop brute et aride avec la même habileté qu’un Smart Went Crazy qui, à la grande époque Dischord (référence récurente…), préférait l’enrober de son violoncelle. “Hollywood” lui emboite alors le pas, mettant plus volontiers la rythmique à l’honneur en exploitant au maximum les possibilités offertes par deux batteurs livrant avec eux toute l’intensité du titre, des breaks d’une efficacité redoutable, sans jamais faire de l’ombre à la mélodie, toujours maitresse du dernier mot. Signe de sa maturité, Ok ne fait pas de sa particularité rythmique un recours systématique, comme en attestent “Right Away” et “Your Third Strike”, deux balades minimales au beau milieu d’un maxi qui trouve en “To Know” un final moins marquant mais parfait condensé de ce dont le groupe est capable. Il est maintenant grand temps de passer au stade supérieur.
Une thèse en écologie statistique, des recherches sur la démographie des poissons en Camargue. Rien ne prédestinait Gilles Poizat à la musique jusqu’à des études de trompette classique et un service militaire efectué en tant que coopérant en Guinée où il rencontre le joueur de Kora Ba Cissoko. Tout deux forment le groupe Tamalalou et connaissent quelques succès dans le milieu. Mais c’est loin de la world music que Gilles Poizat sort son premier album solo sur le label Carton. A l’image de la pochette aux accents psychédéliques regroupant les treize morceaux de Micro-vertige et l'expérience du fottement, c’est dans un univers proche de la scène de canterbury des 70’s que Gilles Poizat explore ses nouveaux horizons mélodiques. Grâce à une pop bancale et des comptines folks, seul accompagné de sa guitare, Gilles Poizat nous emmène dans son monde de folie ordinaire (Parasite). Tel un barde pop chantant en français et en anglais, Gilles Poizat arrive à se faire assimiler à Syd Barrett (Proper Dance), Robert Wyatt (Zissou) et Kevin Ayers (Question). Objet sonore non identifable, Gilles Poizat a surtout sa propre personnalité dans une scène française en mal d’excentricité. Seul peut-être, et dans un tout autre registre, Antoine Loyer pourrait faire fgure de principal concurrent.
Touche à tout de génie, Gilles Poizat a commencé par apprendre la trompette classique tout en jouant de la guitare pour le fun le soir dans sa chambre et non content d’avoir joué de la kora avec Ba Cissoko et M’Badi Kouyaté à Conakry, c’est vers la trompette qu’il reviendra pour accompagner divers groupes comme Le Philharmonique de la Roquette, Musicabrass ou encore Le Grand Bal Des Cousins… Commençant à donner de la voix au sein de Mazalda, l’envie d’écrire et de reprendre une guitare pour proposer des chansons en solo ne tardera pas à apparaître, Gilles Poizat s’exécutant de bonne grâce et commençant à donner ses premiers concerts avant de se décider à mettre en boite un premier album en compagnie de Gilles Olivesi qui se chargera de l’enregistrement et de la réalisation. L’histoire est désormais en marche ! Il a la fibre expérimentale et ne s’attarde pas à faire les même chansons que tout le monde, panachant les mélodies au gré de ses envies de quelques élucubrations vocales ou au contraire d’une sorte de déluge post punk des plus surprenants. Dans son "Micro-vertige …", le troubadour a voulu mettre un maximum de choses, quitte à un peu se disperser, et c’est en forme de creuset bouillonnant d’inventivité qu’il nous invite à "… l’expérience du fottement", installant un climat étrange où apesanteur et gravitation finissent par se rejoindre et où des pièces comme "Proper Dance", "Parasite", "Major Quality", "Moment de force" ou "Allongé" se font les instruments de son envie de surprendre et en même temps de convaincre. Qu’il jongle avec les genres ou encore avec les mots, qu’il se laisse aller à chanter en Anglais ou encore en Français, voire carrément à y aller d’une série d’onomatopées, c’est en un équilibre instable mais attitrant que Gilles Poizat se livre à nous, un peu à la manière d’un Frank Zappa, d’un Nosfell ou d’une Nina Hagen, toutes proportions gardées. Servi dans un format sobre et en carton recyclé, l’effort se veut durable, et à plus d’un titre ! Affaire à suivre …
S’ils ne venaient pas de France et n’étaient pas signés sur un label confidentiel (Carton Records), le trio OK ferait à coup sûr un petit carton auprès des amateurs de rock indé et des lecteurs assidus de Pitchfork. Mais l’histoire peut parfois être cruelle et il est fort probable que ce groupe atypique reste seulement confiné à un cercle d’initiés qui savent apprécier une musique qui sait s’affranchir de toute étiquette et de toute frontière. Derrière ce nom à la con (mais en même temps, qui y avait pensé auparavant?) se cache un trio de musiciens ayant joué dans plusieurs groupes pop/rock. L’originalité vient tout d’abord de la formation en soit puisqu’elle comporte un chanteur/guitariste/bidouilleur et de deux batteurs. Originalité renforcée par le fait que les deux batteries jouent des lignes différentes, d’où une rythmique quasi-tribale et complexe. Impression renforcée par un son et une production très brute et rêche (le premier EP du groupe a été enregistré sur un 4 pistes K7), à la limite du lo-fi qui tranche nettement avec la clarté des mélodies imparables, à la limite de la pop que le groupe s’amuse à déconstruire par des expérimentations bruitistes. Le titre en écoute ici (Hollywood) en est un exemple parfait : une guitare acoustique soutenus par une rythmique branlante, un refrain superbe et des bizzareries sonores. Le groupe m’avait déjà impressionné avec son premier EP, ce 5-titres confirme (et plus encore) la singularité de cette formation à surveiller de très près qui sortira son deuxième EP “Wet” le 18 mars sur Carton Records (et avec une date à l’International le même soir). Espérons que le future ne me donne pas raison sur le succès de OK.
Une thèse en écologie statistique, des recherches sur la démographie des poissons en Camargue. Rien ne prédestinait Gilles Poizat à la musique jusqu’à des études de trompette classique et un service militaire effectué en tant que coopérant en Guinée où il rencontre le joueur de Kora Ba Cissoko. Tout deux forment le groupe Tamalalou et connaissent quelques succès dans le milieu. Mais c’est loin de la world music que Gilles Poizat sort son premier album solo sur le label Carton. A l’image de la pochette aux accents psychédéliques regroupant les treize morceaux de Micro-vertige et l'expérience du flottement, c’est dans un univers proche de la scène de Canterbury des 70’s que Gilles Poizat explore ses nouveaux horizons mélodiques. Grâce à une pop bancale et des comptines folks, seul accompagné de sa guitare, Gilles Poizat nous emmène dans son monde de folie ordinaire (Parasite). Tel un barde pop chantant en français et en anglais, Gilles Poizat arrive à se faire assimiler à Syd Barrett (Proper Dance), Robert Wyatt (Zissou) et Kevin Ayers (Question). Objet sonore non identifiable, Gilles Poizat a surtout sa propre personnalité dans une scène française en mal d’excentricité. Seul peut-être, et dans un tout autre registre, Antoine Loyer pourrait faire figure de principal concurrent.
Aujourd’hui, après bien des années d’une relation brûlante avec la musique, on a un peu l’impression d’avoir tout entendu. Les nouvelles mélodies sont comme un jus tiède et sans piment. Même si certains morceaux nous étonnent, et d’autres séduisent au premier instant, c’est comme si nous aimions la musique mais ne l’entendions plus. Et puis un matin, au détour d’une pochette cartonnée, trouvée dans sa boite aux lettres, se produit le mystère d’une première fois. La routine de l’écoute explose et l’on reste ahuri devant une suite de notes arrangées pour former une chanson. On écoute WET, le second EP du groupe OK. A paraître au mois de mars sous le label CARTON. Une musique loin des tendances et des collections de prêts à écouter. Comme nous le fait ressentir d’emblée le premier titre WET, emmené par le son d’une cornemuse. L’EP se singularise ainsi par sa richesse instrumentale : batterie "électrique" et batterie "animale", guitares acoustiques, guitares électriques, casiotone, percussions... Et puis il y a cette voix. Douloureuse. Sombre. Aigüe. Quelque part entre Thom Yorke et Nina Simone. Sans que cela ne ressemble à une perte.
En cinq chansons, OK nous propose une musique d’une densité incroyable. Une musique de la terre, parfois ethnique, foncièrement rock n roll et ne dénigrant pas des aspirations pop. La douceur et la souffrance mêlées avec une étonnante simplicité. On n’en a pas terminé avec les battements du cœur.
Carton records étonne à nouveau avec la publication du premier album de Gilles Poizat, Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement. Quel titre, hein ? Et si je vous précise qu’en plus Gilles Poizat chante accompagné de sa seule guitare ou presque une sorte de folk psychédélique et bancal, je suis sûr que la plupart d’entre vous fnirez par fuir en courant. Donc je ne vous dis rien du tout. Mais honnêtement je n’en pense pas moins. Et à l’intention de toutes celles et de tous ceux qui ont décidé au contraire de rester collé(e)s à cette chronique pour au maximum une minute supplémentaire, je ne peux que vous féliciter et vous dire que vous faîtes très bien : Gilles Poizat et Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement sont une magnifque découverte.
Mais faisons rapidement les présentations. Le garçon dont on vous parle ici a testé maintes expériences musicales en groupe et possède également une solide expérience en matière d’apprentissage classique de la musique, option trompette (instrument que l’on retrouve de rares fois mais toujours à propos le long de Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement). Et puis un jour il a eu envie de composer et de chanter tout seul, hop-la. Cela a l’air très facile, expliqué comme ça. Et ça l’est tout autant à l’écoute d’un disque qui dès les premiers instants se révèle lumineux, d’une beauté simple mais vertigineuse, d’une émotion instinctive. Le charme est total, immédiat et durable.
Des chansons c’est donc uniquement ce que propose Micro-Vertige Et L’Expérience Du Flottement, il y en a onze en tout, mais des chansons de cette qualité et de ce genre de vérité là, on n’en rencontre pas tous les jours. Et même pas à chaque équinoxe de Printemps. Et peut être pas plus d’une petite poignée de fois dans sa vie d’amoureux de la musique. Carrément. Des chansons expérimentales mais expressives qui résonnent dans leur entier, vibrantes malgré l’économie des moyens employés (c’est donc qu’ils le sont avec une justesse appropriée) et intimement touchantes. Des textes – en anglais et en français – à en chialer, une façon de chanter entre traverses bancales, fragilité assumée, lyrisme pop et, enfn, des tournures mélodiques ainsi qu’une étrangeté familière à s’en retrouver tout habillé de chair de poulet pour un bon moment. On peut penser à beaucoup de choses et à de grands noms à l’écoute de la musique de Gilles Poizat – Syd Barrett, Robert Wyatt mais aussi David Grubbs – mais on découvre vraiment et surtout un musicien, un chanteur, un compositeur, un auteur…